H e n r i L E I S E R – 2 5 5 0 0 M O R T E A U
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M O R T E A U
Xxxxx-atelier à tué de 1783
Situation dans la ville :
Cette ferme-atelier est construite sur le chemin gravissant le coteau en direction des Arces. Elle appartient aux héritiers de Xxxxxxxxx-xxxxxx Xxx en 1816. Les initiales des bâtisseurs et la date 1783 avaient été marquées à chaud sur les planches du pignon. L'usure du temps avait aminci la talvane laissant apparaître les empreintes brûlées en relief.
MORTEAU ; Ferme-atelier de 1783 – État en 1870-1874.
Ce bâtiment acquis en 1947 par Xxxxx Xxxxxx, appartenait à son oncle Xxxxx Xxxxxx. L'auteur de ces lignes est donc le témoins des souvenirs et de toutes les modifications apportées jusqu'en 2018. Actuellement, il n'a plus aucune ressemblance avec son état d'origine dont les reconstitutions ont été réalisées de mémoire et en fonction des actes notariés.
En 1986, lors de la reprise complète du pan de toit côté nord, la manière de faire a pu être établie ainsi :
Les redosses ou coineaux, correspondant aux lambrissages contemporains, étaient maintenues par des chevilles de section carrée, taillées en biseau en bout, à la façon d'un ciseau à bois. Le côté plat de ces redosses permettait la pose des clavins (tavaillons) en recouvrement aux deux tiers de leurs longueurs. Suivant l'épaisseur des redosses, des entailles étaient réalisées pour garder un alignement régulier permettant le placement facile du clavin.
La couverture en tuiles mécaniques a été réalisée vers 1900 avec la mise en place de chevrons, issus de sciage industriel, fixés directement sur le clavin existant. Ils permettaient un lattage pour la pose de tuiles fabriquées par les établissements Hirschy des Suchaux, aux Fins. Elles avaient un losange central et quelques-unes, très rares, avaient la date "1911" inscrite en son creux intérieur (repiquages ultérieurs?). Plusieurs moules de fabrication existaient, mais tous portaient la marque "Hirschy" .
Document Xxxxx Xxxxxx
Les chevrons d'origine, constitués de grosses perches grossièrement équarries, étaient maintenus par des chevilles rondes venant en appui sur la panne transversale intermédiaire. Le pied de la perche étant à la partie basse du toit et le sommet fixé sur la panne faîtière. Sur une de ces perches, la cheville manquante avait été remplacée par une pierre que les anciens appelaient "tête de chat". Elle était chassée en force entre la perche chevron et la panne intermédiaire afin d'éviter le glissement.
Le tué était situé au centre du second rain et, vu le pendage important du terrain, son sol dallé correspondait au plancher du 1er étage. Les appartements étaient donc tous avec des ouvertures en façade et exposées côté soleil. Leurs encadrements étaient constitués de poutres recouvertes de minces lambris donnant ainsi une certaine régularité à ces ouvertures.
L'accès à chaque étage était totalement indépendant l'un de l'autre, mais tous les niveaux pouvaient communiquer entre-eux intérieurement. L'ensemble des pièces se situait en enfilade avec plusieurs possibilités d'entrées pouvant ainsi transformer chaque étage en deux appartements. En 1950, quatre locataires occupaient les lieux.
Le rez-de-chaussée, appuyé contre le coteau, avait sa porte d'entrée dans la première pièce, aux fenêtres d'atelier. Dans la seconde pièce une cheminée très simple était constituée d'un manteau de pierre grise, posée sur deux montants de même nature. Son conduit, dans l'épaisseur du mur en fond de la chambre, débouchait dans la base du tué à l'étage supérieur.
Le second niveau accessible par l'arrière du bâtiment comprenait une entrée indépendante donnant directement sur la route. Elle permettait l'accès à la pièce située au- dessus de l'entrée du rez-de-chaussée. Une seconde porte mettait en communication le tué avec le chemin en côte. Ce tué occupait la partie centrale de la ferme et lorsqu'on entrait dans cet espace, plusieurs possibilités se présentaient aux habitants. Un escalier en forme d'échelle de meunier donnait accès directement a la pièce-atelier du dernier étage en pignon. Une porte accédait de plain-pied à un local identique au second niveau. Une deuxième porte, dans un mur perpendiculaire, ouvrait dans une salle permettant l'entrée par le fond de la dernière pièce de ce même niveau. Une autre porte, au côté de la précédente, donnait accès à la cave du rez-de-chaussée par une échelle de meunier rapide.
Le four à pain, appuyé contre le chemin public fut remplacé par des toilettes communes pour tous les occupants, lors de la reconstruction importante de l'arrière de la ferme en 1930.
A cet étage, les murs goutterots du nord et du sud étaient composés de la manière suivante :
- Les planches extérieures étaient fixées sur les poutres transversales du plafond (sablière) et du plancher. Le côté sud uniquement était recouvert de clavins, assurant ainsi l'étanchéité sur cette partie exposée au vent.
- La paroi intérieure était constituée de planches d'environ 35 mm, emboîtées dans des rainures au centre des pannes sablières transversales.
Le remplissage entre les deux faces du goutterot côté vent était constitué par des copeaux de bois jusqu'au trois quarts de la hauteur et le reste, par de la mousse. La façon dont ils étaient poussés était simple. De grosses boules étaient chassées avec une sorte de bâton de 35 mm environ qui laissait son emprunte dans plusieurs d'entre-elles. Il semblerait que ces copeaux furent humidifiés à leur pose, vu l'agencement qu'ils avaient dans les parois.
Le troisième niveau avait un plafond plus bas que les autres étages. Il avait une hauteur de 2,05 mètres, alors que les niveaux inférieurs mesuraient 2,15 mètres. De plus, étant directement sous le toit, les côtés nord-est et sud-ouest étaient mansardés pour s'adapter à sa pente.
Aucunes indications ne peuvent être données sur l'utilisation des greniers à la construction, mais, dans maints recoins peu accessibles, des restes de foins existaient encore en 1950. Ces espaces avaient été partagés par des séparations grossières afin de réserver un grenier pour chacun des occupants de l'époque. La façade arrière d'origine, côté chemin public, était constituée par une talvane descendant sur un sous-bassement composé par un mur délimitant le second niveau.
Une première modification sera réalisée avant 1870 comme l'indique la prise de vue en début de chapitre. C'est du côté nord qu'elle aura lieu avec l'ajout d'une nouvelle pièce et la construction d'un nouveau mur goutterot adapté au terrain. Il n'était pas perpendiculaire à la façade. Une partie de ce mur en biais existait encore dans le fond de la cave en 1950. Il n'avait plus d'utilité et il réduisait d'autant l'espace de cette cave en terre battue. A cette date, l'ancien mur goutterot du bâtiment primitif était de même nature que celui du côté sud. Sa base était constituée par un assemblage que les anciens qualifiaient de "murs en pôtus". Il était composé de pierres et d'un liant pauvre à base de chaux que ces mêmes anciens qualifiaient de "boue de route". Il était très poussiéreux lorsqu'on le démontait. Sur le côté extérieur du deuxième niveau, le montage de ce pan était identique à celui du côté sud et son remplissage de copeaux similaire, mais sans l'utilisation de mousses pour le terminer. La partie bois, exposée au nord-est n'était pas recouverte de clavins comme sont appelés les tavaillons dans le xxx xx Xxxxxxx.
. Dans le grenier, au-dessus de l'ajout, les perches constituant les chevrons du bâtiment primitif étaient visibles avec un débord d'une cinquantaine de centimètres par rapport à l'ancien mur goutterot. La nouvelle toiture de l'agrandissement avait ses chevrons posés sur la panne-sablière de la structure d'origine en prolongeant ainsi la pente de l'ensemble du toit.
Une cheminée en "pierre douce" ou "xxxxxx xx Xxxxxxxxx" était adossée contre l'ancien mur goutterot. Dans le grenier, son conduit était fait d'un assemblage de grosses briques coulées, constituées de graviers liés avec un mortier peu résistant. Un espace d'une quinzaine de centimètres était ménagé entre le conduit de cheminée et la paroi en bois du second niveau.
L'ancienne porte d'entrée de la pièce-atelier du rez-de-chaussée était murée, ne laissant en place que les fenêtres alignées, encore visibles en 1950. C'est probablement à l'occasion de ces travaux que l'enduit en façade fut refait et peint de couleur bleu-charrette.
Une deuxième modification importante a lieu en 1948, côté sud. Xxxxx Xxxxxx, le nouveau propriétaire, édifie son atelier de montage d'appareils à déplacer les levées d'ancres, dont il dépose un brevet d'invention (horlogerie). Il prolonge le bâtiment en organisant une nouvelle entrée et en transformant, en profondeur, la dernière pièce du rez- de-chaussée pour en faire une nouvelle cuisine. L'ancienne, exposée au nord et à la bise, était très froide durant les rudes hivers du xxx xx Xxxxxxx.
En 1958, l'espace occupé au nord par la vieille cuisine et la cave est intégralement transformé avec le percement de deux nouvelles baies dans le mur goutterot et une isolation complète. Une salle de bains est aménagée au fond de l'espace, équipée d'un chauffe-eau électrique. L'installation d'un coin cuisine et d'une salle pour manger sont créés sans cloison. Ce fut peu avant cette période que le tué était démonté et remplacé par une cheminée de briques à doubles conduits.
Ces travaux étant réalisés, la façade elle-même est à reprendre complètement. Son tassement par la dégradation des colonnes d'angles, a provoqué une déformation devenue dangereuse pour le maintient de l'ensemble. En 1966 tous les étages sont donc cotés et l'avant de la maison démonté pour être reconstruit avec des baies de plus grandes dimensions.
Puis cette ancienne ferme-atelier changera par deux fois de propriétaire. Les derniers aménagements réalisés, tant intérieurs qu'extérieurs, ne lui gardent plus aujourd'hui l'aspect qu'elle avait à son origine. Plusieurs appartements fonctionnels sont réalisés dans un but de locations, mais son volume lui garde ses pans de toit très vastes descendant très bas au sol.
Le recensement des différents occupants
On peut établir assez facilement la liste des propriétaires au cours de ce XIXème siècle. La matrice cadastrale de 1816 indique déjà Xxxxxxxxx Xxxxxx Xxx comme propriétaire des immeubles et dépendances. Puis, les actes notariés nous donnent la suite des occupants qui se sont succédés depuis la moitié de ce siècle.
Le 27 juin1855, Messieurs Xxxxxx Xxxxxx Xxxxxxx de Morteau et son frère Xxxxxxxx à Poitiers possèdent en indivis l'ensemble de ces biens. A cette date, ils vendent le tout à Mlle Xxxxxx Xxx, célibataire, habitant Morteau.
Elle décède courant 1868 et ses neveux Xxxxxx Xxxxxxxx et Xxxxxxxx Xxxxxx Xxx, tous deux horlogers, recueillent de leur tante la succession de ce bâtiment. Ils resteront en indivis jusqu'à la vente aux sœurs Amiot, le 31 décembre 1879. Lors de cette transaction, il est intéressant de lire la description que fait le notaire à l'établissement de l'acte.
La fin du même acte stipule : "fait et passé à Morteau en l'étude pour Xxxxx Xxxxx et en leur domicile pour les vendeurs". Cette mention indique bien que les frères Xxx, horlogers, habitaient effectivement cette ferme-atelier le jour de la vente.
En 1879, la profession des sœurs Xxxxxxxxx et Xxxxx Xxxxx était lingères. Des marques à chaud ont été repérées dans le tué, sur la porte pleine donnant dans la cave et le long de la montée d'escaliers accédant au pignon. L'emprunte "X.XXXXX" composée en lettres capitales, mesurait environ quatre centimètres de long. Ce nom marqué de façon anarchique à plusieurs endroits faisait penser à des essais de chaleur pour le marquage des cuveaux, seillots, trépieds et autres matériels de buanderie en bois. Ces empruntes attestent ainsi du passage de ces personnes dans les murs et de leur métier souvent itinérant.
Le 28 mai 1898, Xxxxxxxxx reprend la part de sa sœur pour la somme de 2300 francs et devient de ce fait l'unique propriétaire. En 1906, le 12 avril, elle établit son testament au profit de sa sœur Xxxxx pour l'usufruit à vie de tous ses biens et de ses neveux à égales parts pour la nue-propriété. Xxxxxxxxx décède à Morteau le 9 juin 1906 et le testament est ouvert le 14 du même mois. Les nièces et neveux habitant Marseille et Paris renoncent à leur succession le 8 décembre 1906 et c'est Xxxxx qui hérite en totalité de sa sœur.
Six mois plus tard, le 4 juin 1907, Xxxxx vend aux enchères publiques la maison dont elle a hérité. Elle déclare dans l'acte d'adjudication "… qu'elle est divorcée de Xxxxxxx Xxxxxxx Xxxxxx par jugement du tribunal de Pontarlier du 10 mai 1904 et qu'elle n'est pas tutrice de mineurs ou d'interdits."
Les nouveaux acquéreurs sont les frères et sœurs Moutarlier de Gilley. Ils sont propriétaires pour la somme de 3950 francs. Xxxx Xxxxxx est marié avec Xxxxx Xxxxxxx; ils demeurent à Gilley avec sa sœur Xxxxx Xxxxx, célibataire sans profession. Le troisième, Xxxxxxx Xxxxxxxx, horloger, habite à Morteau où il se marie le 13 octobre 1906.
Dans l'acte de vente, la description de cette ferme-atelier précise qu'elle est couverte de tuiles, alors que dans le précédent, elle n'est construite qu'en pierre et bois. C'est donc entre 1879 et 1907 que la toiture sera couverte de tuiles.
La fratrie ne conserve que peu de temps cette ferme-atelier. En 1910, "le 4 janvier à deux heures de l'après-midi", de nouvelles enchères publiques attribuent la propriété à la veuve du cultivateur Xxxxxxxx Xxxxxx. Le détail de la vente indique "La maison présentement mise en vente a été adjugée après plusieurs mises et à l'extinction de trois feux dont les deux derniers ont brûlé et se sont éteint sans enchères nouvelles moyennant le prix de quatre mille six cent cinquante francs à Madame Xxxxx Xxxxxxxxx veuve de X. Xxxxxxxx Xxxxxx des plains communaux commune de Morteau".
Ensuite, le 22 mars 1928, un de ses fils, Xxxxx, reprendra le bâtiment où habite toujours sa mère. Elle se réservera l'usufruit "dans les quatre pièces du rez-de-chaussée" alors que Vital, 40 ans, est marchand de légumes Rue Traversière à Morteau. Avec son frère Xxxx 36 ans, qui occupe le premier étage, ils entreprendront de gros travaux de reconstruction. La partie arrière de cette ferme-atelier, en mauvais état, sera complètement reconstruite avec des murs en maçonnerie faits avec de la pierre de qualité dite du "Mont- Joly". Cette carrière était située après les Arces.
Ces importants travaux seront terminés par la construction des murs délimitant la propriété. La signature de la fin de cette tâche se situe sur le lissage du soutènement de la route, vers le coin du bâtiment. Il y est inscrit en écriture anglaise : Vl Xx Xxxxxx 00 octobre 1931. A cette date, Xxxx est âgé de 41 ans et, avec ses enfants, il occupe le second niveau de la ferme. Quant à Vital, 45 ans, il habite rue Traversière où il a installé son commerce de marchand-primeur.
Souvenirs d'Xxxxx Xxxxxx
Lorsqu'il occupa le rez-de-chaussée, en 1940, il y avait encore des anciens pavés d'écurie dans l'angle sud de la dernière pièce. Une sorte de mauvaise cloison séparait ce local, une première moitié avec des pavés et de la terre battue, la seconde partie étant formée d'un plancher très dégradé. Il supprima cet ensemble et recreusa le sol afin de couler un béton sur toute la surface de la pièce. Il la transforma ainsi en cuisine avec la pose d'un évier dans l'angle sud utilisant une ancienne évacuation et muni d'un robinet alimenté en eau par la citerne (par gravitation depuis la cave).
Conclusion :
L'évolution de cette ferme-atelier et l'histoire de ses occupants sont intéressants à étudier. Le bâtiment est classique des très petites exploitations agricoles dédiées surtout au travail de l'horlogerie dès sa construction, en 1783.
Le tué permettait de fumer jambons, saucisses et bandes de lard pour l'alimentation des habitants. Quant à l'écurie, dans l'angle sud, son volume ne pouvait accepter qu'une vache au maximum, peut-être même que des cochons. La terre végétale, non retenue dans ce coteau, était lessivée par les pluies et récolter du foin s'averrait problématique. Les occupants se chauffaient au bois et les moindres brindilles étaient récupérées pour allumer le feu. L'érosion était très importante et ce sera en 1884 avec la construction de la voie ferrée jusqu'à Morteau que le basculement se fera. L'apport des wagons de charbon, tractés depuis les bords du Doubs à Besançon, feront évoluer rapidement les types de chauffages.
Depuis la construction de 1783 jusqu'aux reprises importantes des années 1930, ce sont des propriétaires peu aisés qui occupent les lieux. Le gros-œuvre est fait avec des matériaux locaux : bois, pierres brutes avec enduit et clavins pour la toiture. Aucune embrasure de fenêtres ou de portes n'est en pierre taillée. L'économie dans la mise en œuvre est notoire. Dans le tué, on peut citer la porte accédant à la cave, dont le système de fermeture était entièrement en bois. C'est le sapin local et l'épicéa qui représentent la majorité des matériaux. Tout est récupéré dans leur débitage, jusqu'aux copeaux pour le remplissage des parois extérieures du premier étage.
La porte de la cave dans le tué (détails)
Dans cet intervalle de construction, la Côte de Morteau préfigure les lotissements contemporains. Neuf fermes bâties dans les années 1780 sont actuellement recensées (1774, 1781, 1783, etc. … Pour la majorité, elles n'étaient pas comparables avec l'aspect plus bourgeois des maisons de la "Grand'Ville". Dans ce coteau, la fonderie située au Trou aux Loups était établie au bord d'une source, encore permanente en 1816. Le quartier était ouvrier et industrieux où le moindre replat de terre s'exploitait soit en jardins, soit en planches de fauche pour faire du foin.
Mise en œuvre des tavaillons (Clavins)
Les clavins étaient fixés avec des pointes à têtes plates comparables aux petits clous actuels. La longueur des lamelles de bois était d'environ 33 cm, soit l'équivalent de l'ancien pied de roi. Au couchant de cette ferme-atelier, les clavins qui couvraient encore la paroi du premier étage, en 1950, avaient une usure importante. Les pluies et le soleil avaient bruni et aminci leur épaisseur. Sur la partie la plus exposée aux rayonnements solaires, le tiers dépassant ne conservait que les veines dures du bois, les transformant en sorte de peigne.
La ferme-musée de Grand'Combe Châteleu expose une ancienne planche de bardage de mur, avec ses clavins encore en place. Leur détérioration est différente. Ils ont la couleur
Clavins (tavaillons) sur leur planche de bardage en façade et détails des clous.
grise des envers de ferme peu exposés au rayonnement solaire. L'humidité semble être la principale cause de leur dégradation.
Les clavins ou tavaillons sont utilisés depuis très longtemps dans la construction locale. Au Bélieu, dans le canton de Morteau-Le Russey, les fouilles de la forteresse de Réaumont mirent au jour des clous de fixation en quantité impressionnante. En 1411, les habitations sont reconstruites après le rachat de la seigneurie par les Chalon-Arlay. Elles étaient couvertes de clavins. La fouille méthodique des couches d'incendie n'a pas donné de laves, ni de tuileaux, mais un semi de petits clous. Ils étaient uniformément répartis dans l'épaisseur de la strate correspondant aux restes de la toiture.
Ces petites pointes forgées individuellement avaient un prix non négligeable. Toutes étaient utilisées, même celles avec des défauts de leur tête ou de la destruction de celle-ci à la mise en œuvre. Elles étaient alors repliées à la moitié de leur longueur et rabattues en travers des lamelles de bois pour les fixer. Tous les clous droits avaient leur tête intacte, alors que ceux qui étaient pliés à 90° n'en possédaient plus. La méthode d'utilisation a été
comprise en comparant le regroupement en deux tas pour établir une proportion entre les éléments intacts et ceux qui étaient pliés.
Détail d'un clou de tavaillons avec son utilisation (Château de Réaumont vers 1450)
Les clous ont été longtemps vendus au mille, ils étaient comptés. Au début du XIXème siècle, la description des travaux dans l'église à Mont de Laval, donne le nombre de milliers de clous nécessaires pour fixer le plancher des combles, ainsi que la quantité de chandelles pour s'éclairer. Il était même indiqué les frais de voyage pour acheter ces clous à Rosureux où ils étaient fabriqués.
Documents consultés
- Plan cadastral de Morteau établi en 1816 et la matrice qui l'accompagne;
- Actes notariés depuis 1855 (documents personnels);
- X. Xxxxxxx : La vie dans le xxx xx Xxxxxxx entre 1750 et 1800; mémoire de sortie de l'École des Chartres; 1974
- Photos et archives personnelles;
- Tous les plans et les dessins ont été établis de mémoire. Leurs proportions sont respectées, mais aucunes mesures précises ne sont indiquées, ne pouvant plus les relever aujourd'hui.
- L'exploitation de la mémoire familiale des membres vivants ou décédés depuis longtemps, a permis l'établissement d'une bonne chronologie des travaux.
Les fenêtres de l'atelier du rez-de-chaussée en avril 1948 (avec l'auteur et sa sœur)