La Commission des sanctions
La Commission des sanctions
DÉCISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS À l’ÉGARD DE M. A
La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF »),
Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-9, L. 621-15, R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;
Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 621-1, 622-1 et 622-2 ; Vu la notification de griefs en date du 13 août 2012 adressée à M. A ;
Vu la décision du 11 septembre 2012 de la Présidente de la Commission des sanctions désignant
X. Xxxx-Xxxxxx Xxxxx, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 11 septembre 2012 informant le mis en cause de la désignation de M. Xxxx-Xxxxxx Xxxxx en qualité de rapporteur et lui rappelant la faculté d’être entendu, à sa demande, conformément à l’article R. 621-39 I du code monétaire et financier ;
Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 12 septembre 2012 informant le mis en cause de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, conformément aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier ;
Vu les observations déposées le 12 octobre 2012 par Maître Xxxxx Xxxxxxxx pour le compte de
M. A ;
Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 13 décembre 2012 par laquelle
M. A a élu domicile au cabinet de son conseil ;
Vu la lettre du 7 janvier 2013 du rapporteur au Secrétaire général de l’AMF lui demandant communication d’une pièce et la réponse apportée par le Secrétaire général le 10 janvier 2013 ;
Vu le procès-verbal d’audition du 11 janvier 2013 de M. A, assisté par ses conseils Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxx ;
Vu le rapport de X. Xxxx-Xxxxxx Xxxxx en date du 8 février 2013 ;
Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 11 février 2013 convoquant le mis en cause à une séance fixée au 5 avril 2013 et lui transmettant une copie du rapport du rapporteur ;
Vu la lettre du 19 février 2013 de Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxxx Xxxxxxxx demandant l’octroi d’un délai supplémentaire jusqu’au 15 mars 2013 pour communiquer leurs observations écrites en réponse au rapport du rapporteur ;
Vu la lettre avec demande d’avis de réception en date du 20 février 2013 de M. Xxxx-Xxxxxx Xxxxx à Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxxx Xxxxxxxx accordant une prolongation du délai pour communiquer les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur jusqu’au 15 mars 2013 ;
Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 8 mars 2013 informant le mis en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de sa faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres ;
Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur déposées le 14 mars 2013 par Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxxx Xxxxxxxx pour le compte de M. A ;
Vu la lettre du 22 mars 2013 de Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxxx Xxxxxxxx à la présidente de la Commission des sanctions sollicitant l’absence de publicité de la séance et la réponse apportée par la présidente de la Commission des sanctions par lettre du 28 mars 2013 ;
Vu l’annexe complémentaire adressée par Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxxx Xxxxxxxx le 25 mars 2013 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance publique du 5 avril 2013 :
- X. Xxxx-Xxxxxx Xxxxx en son rapport ;
- X. Xxxxxx Xxxxxxxx, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- Xxx Xxxxxxxx Xxxx, représentant le Collège de l’AMF ;
- M. A et ses conseils Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxxx Xxxxxxxx.
Les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.
FAITS ET PROCÉDURE
La société anonyme Transgène (ci-après « Transgène »), spécialisée dans la biopharmaceutique, conçoit et développe des produits d’immunothérapie pour le traitement des cancers et des maladies infectieuses chroniques. Introduite en bourse en 1998 et cotée sur le compartiment B d’Euronext Paris, son capital est majoritairement détenu par la société TSGH, filiale de la société Institut Mérieux.
A l’époque des faits, cette société avait pour banquier conseil M. A, président de la banque d’affaires X (ci-après « banque X ») qui intervient en France, en libre établissement et en libre prestation de services, pour fournir des services d’investissements.
A la fin de l’année 2010, Transgène développait cinq produits, dont le produit d’immunothérapie ciblé TG4001/RG3484 pour le traitement des maladies liées au virus du papillome humain (ci-après le « TG4001 »), objet d’un contrat de licence exclusif, signé le 10 avril 2007 avec la société suisse Roche (« Roche »), dont le développement était alors en phase 2, c’est-à-dire dans la période durant laquelle son efficacité était testée sur un petit groupe de patients souffrant de la maladie.
Fin novembre 2010, Xxxxx, estimant que le retour sur investissement de son partenariat avec Transgène était négatif, a décidé de renégocier le contrat de licence dans la perspective d’une résiliation. C’est ainsi qu’en décembre 2010, Xxxxx et Xxxxxxxxx ont entamé des discussions sur les conditions de résiliation, à la suite desquelles la première a adressé à la seconde, le 16 décembre 2010, un projet d’avenant ayant pour objet de modifier les conditions de rupture du contrat en lui permettant une résiliation avec effet immédiat et en modifiant à son profit la prise en charge des coûts.
Les discussions relatives à cet avenant n’ayant pas permis de parvenir à un accord, le président-directeur général de Transgène, M. B, a adressé, le 27 janvier 2011, une note aux membres de son conseil d’administration afin de recueillir leur avis sur le choix entre une résiliation selon les termes initiaux du contrat ou selon ceux de l’avenant. Le 1er février 2011, il a indiqué à Roche que Transgène n’acceptait pas la proposition d’avenant et, dès le lendemain, il lui a adressé un projet de communiqué de presse relatif à la rupture du contrat de licence. De nouvelles discussions entre les deux sociétés s’en sont suivies mais, en l’absence d’accord, Xxxxx a notifié à Transgène, le 17 février 2011, la résiliation, conformément aux conditions prévues par le contrat de licence.
Le 22 février 2011 au soir, Transgène a publié un communiqué de presse annonçant que « Roche met[tait] fin à l’accord de licence portant sur TG4001/RG3484 pour le traitement de maladies dues au virus du papillome humain » et précisant que « la décision de Xxxxx ne devrait avoir aucun impact financier à court terme pour Transgène ». Le 23 février 2011, le cours du titre a subi une perte de 19%.
La Division de la surveillance des marchés de l’AMF, ayant observé, avant la publication du communiqué de presse du 22 février 2011, des ventes suspectes sur le titre Transgène, le Secrétaire général a ouvert, le 16 juin 2011, une enquête portant sur « le marché du titre TRANSGENE, à compter du 1er janvier 2010 », qui a été étendue, le 12 janvier 2012, à « l’information financière de la société TRANSGENE, à compter du 1er janvier 2010 ».
L’enquête a permis de constater que :
- M. C, résident suisse, directeur général de la société suisse […] dont M. A était un ancien associé, avait vendu, entre le 1er et le 4 février 2011, la totalité des 50 000 titres Transgène qu’il détenait, évitant ainsi une perte de 165 000 euros par rapport au cours de clôture du 23 février 2011 ;
- M. D, directeur général de la société suisse […] et gérant du fonds […], avait vendu pour le compte de ce fonds, entre le 9 et le 22 février 2011, 46 525 titres Transgène, évitant ainsi une perte de 137 248 euros par rapport xx xxxxx xx xxxxxxx xx 00 xxxxxxx 0000.
L’enquête a en particulier relevé deux coïncidences :
- le 1er février 2011, M. A a eu une conversation, de 15h09 à 15h22, avec X. X, puis a appelé à 15h34, pour une durée de 2 minutes et demie, M. C qui, à 15h44, a passé un ordre de vente sur ses titres Transgène ;
- le 8 février 2011 à 14h35, M. A a cherché à joindre M. D qui l’a rappelé à 15h58, pour une durée de 9 minutes et demie, et a, immédiatement ensuite, transmis un ordre de vente sur des titres Transgène.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 19 avril 2012 adressées à M. A à son domicile londonien et au siège de l’établissement parisien de sa société, auxquelles celui-ci a répondu par courrier du 16 mai 2012, la Direction des enquêtes et des contrôles (ci-après « DEC ») l’a, en application de l’article 144-2-1 du règlement général de l’AMF, informé de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de lui être reprochés au regard des constats des enquêteurs.
La DEC a également adressé des lettres circonstanciées, le 19 avril 2012, à M. D et, par l’intermédiaire de la FINMA, qui est l’autorité fédérale suisse de surveillance des marchés financiers, à M. C, l’un et l’autre ayant répondu respectivement les 14 mai et 7 juin 2012.
Après examen du rapport de la DEC, élaboré le 4 juillet 2012 en tenant compte des différentes réponses aux lettres circonstanciées, la Commission spécialisée n° 1 du Collège, lors de sa séance du 11 juillet 2012, a décidé de notifier des griefs à M. A, ce qui a été fait par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 août 2012.
En substance, il est fait grief à M. A d’avoir, en violation des articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, recommandé à MM. C et D de céder leurs titres Transgène alors qu’il était détenteur d’une information privilégiée relative à la décision de Roche de résilier l’accord de licence conclu avec Transgène concernant le TG4001, information dont il avait eu connaissance dans le cadre de ses fonctions de banquier conseil de Transgène.
Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a transmis, le 13 août 2012, copie de la notification de griefs à la présidente de la Commission des sanctions qui a désigné, le 11 septembre 2012, M. Xxxx-Xxxxxx Xxxxx en qualité de rapporteur, ce dont le mis en cause a été informé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du même jour lui rappelant la faculté d’être entendu, à sa demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 septembre 2012, le secrétariat de la Commission des sanctions a informé le mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de sa faculté de demander la récusation du rapporteur dans le délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.
M. A a déposé ses observations en réponse à la notification de griefs, par l’intermédiaire de son avocat, le 12 octobre 2012, et a, à cette occasion, demandé à être entendu. Il a, par courrier du 13 décembre 2012, élu domicile au cabinet de son conseil.
Le 7 janvier 2013, le rapporteur a demandé au Secrétaire général de l’AMF de verser à la procédure une
« version papier » du relevé des appels téléphoniques du portable de M. A, demande à laquelle il a été fait droit le 10 janvier 2013.
Le 11 janvier 2013, le rapporteur a entendu le mis en cause.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 février 2013, à laquelle était joint le rapport du rapporteur du 8 février 2013, le mis en cause a été convoqué à la séance de la Commission des sanctions du 5 avril 2013.
Par courrier du 19 février 2013, remis par porteur, Maîtres Xxxxx Xxxxxxxx et Xxxxx Xxxxxxxxx Xxxxxxxx ont demandé un délai supplémentaire pour communiquer les observations de leur client en réponse au rapport du rapporteur, demande à laquelle il a été fait droit par courrier du 20 février 2013. Ces observations ont été adressées par courrier du 14 mars 2013.
Le mis en cause a été informé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 8 mars 2013, de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance et de la faculté de demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des articles R. 621-39-2 et suivants du code monétaire et financier.
Le 22 mars 2013, ses conseils ont sollicité la tenue de la séance hors la présence du public puis, le 25 mars 2013, ils ont adressé copie d’une annexe complémentaire à celles accompagnant leurs observations en réponse au rapport du rapporteur. Par lettre du 28 mars 2013, il leur a été indiqué qu’il ne serait pas fait droit à leur demande de huis clos.
MOTIFS DE LA DECISION
I - SUR LE MANQUEMENT DE RECOMMANDATION DONNEE A UN TIERS SUR LA BASE D’UNE INFORMATION PRIVILEGIEE
Considérant qu’il est reproché à M. A d’avoir recommandé à MM. C et D de vendre leurs titres Transgène sur la base de l’information relative à la décision de Roche de résilier son accord de licence avec Transgène, devenue privilégiée au plus tard le 16 décembre 2010, dont il aurait été détenteur dès le 25 janvier 2011, fait constitutif d’un manquement d’initié prévu aux articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;
Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement précité dans sa version en vigueur à l’époque des faits : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. Elle doit également s’abstenir de : 1° communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée 2° Recommander à une autre personne d’acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d’une information privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapportent cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. […] » ;
Considérant que l’article 622-2 du même règlement précise que : « Les obligations prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : 1° Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; 2° Sa participation dans le capital de l’émetteur ; 3° Son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l’exécution d’une opération financière ; 4° Ses activités susceptibles d’être qualifiées de crimes ou de délits. » ;
Considérant, d’une part, que la détention d’une information privilégiée peut être prouvée, à défaut d’un élément matériel incontestable, par un faisceau d’indices précis et concordants qui concourent à l’établir ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la preuve du manquement de recommandation d’acquisition ou de cession de titres donnée à un tiers par le détenteur d’une information privilégiée peut être rapportée par tous moyens, notamment en examinant, au regard de l’opération d’investissement ou de désinvestissement, de son caractère et de sa chronologie, les relations entre ces deux personnes, ainsi que les circonstances dans lesquelles l’opération a été effectuée ;
Considérant, d’autre part, que l’on ne saurait soutenir que la caractérisation de ce manquement est subordonnée à l’utilisation de l’information privilégiée par la personne ayant bénéficié de la recommandation et, par voie de conséquence, à sa mise en cause sur ce fondement ; que l’article 622-1 précité, inclus dans le chapitre II du titre II du règlement général de l’AMF consacré aux « Obligations d’abstention », distingue, à l’égard du détenteur d’une information privilégiée, trois obligations ; que celui-ci doit en effet s’abstenir :
- d’utiliser, directement ou indirectement, l’information (alinéa 1er),
- de communiquer, hors les cas autorisés par la loi, l’information à un tiers (alinéa 2, 1°),
- de recommander à un tiers d’acquérir ou de céder les instruments financiers concernés (alinéa 2, 2°) ;
Considérant que la transgression, par le détenteur de l’information privilégiée, de son obligation de s’abstenir d’émettre une quelconque recommandation sur le titre concerné suffit à constituer le manquement prévu par le 2° de l'article 622-1 susvisé ; qu’il s’agit d’un manquement autonome, dont la caractérisation n’est subordonnée à aucune autre condition, et notamment pas à l’exercice de poursuites à l’encontre du bénéficiaire de la recommandation ;
1. Sur l’existence d’une information privilégiée
Considérant que, selon la notification de griefs, « l’information relative à la décision de Roche de résilier son accord de licence avec Xxxxxxxxx paraît avoir présenté, au plus tard le 16 décembre 2010, les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement précité, « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés.
Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés.
Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ».
1.1 Sur le caractère précis de l’information
Considérant que la chronologie est la suivante :
- le 23 novembre 2010, le responsable des partenariats pharmaceutiques de Xxxxx a indiqué au directeur
« Business Development, Licensing & Marketing » de Transgène que le comité d’examen considérait que le retour sur investissement du projet de partenariat avec cette dernière société était négatif ;
- le 30 novembre 2010, l’équipe partenariat de Roche a effectué auprès de sa direction une présentation des options relatives au contrat de licence avec Transgène, faisant état de la « décision de renégocier le contrat de licence en vue d’une résiliation anticipée » ;
- le 1er décembre 2010, deux responsables de Xxxxx ont confirmé, au cours de discussions avec des dirigeants de Transgène, l’intention de résilier le contrat de licence ;
- le 3 décembre 2010, une téléconférence a été organisée entre Roche et les dirigeants de Transgène pour évoquer la question du partenariat ;
- le 7 décembre 2010, le conseil d’administration de Transgène a été informé par son président de la revue stratégique de portefeuilles réalisée par Xxxxx et des interrogations quant aux suites du partenariat ;
- le 13 décembre 2010, le responsable des partenariats pharmaceutiques de Roche a confirmé au directeur général adjoint de Transgène la volonté de la société de rompre le contrat de licence ;
- le 16 décembre 2010, Xxxxx a adressé à Transgène un projet d’amendement au contrat de licence prévoyant la possibilité d’une résiliation avec effet immédiat et la modification de la prise en charge des coûts, ce qui a immédiatement été compris par les dirigeants de Transgène comme étant la formalisation de l’intention de résilier ce contrat ;
- le 17 décembre 2010, la secrétaire générale de Transgène a adressé à M. B un courriel dans lequel elle indiquait : « Je suis d’avis que la situation avec R. dont nous avons parlé en Codir constitue bien une telle information [sensible] et que nous sommes donc dans une période interdite pour l’exercice des SO, et ce jusqu’à nouvel ordre, en ce qui concerne les initiés suivants : membres du Codir + JML, CtM, AIM. Partages-tu cet avis ? » ; le président-directeur général lui a répondu qu’il était d’accord ;
Considérant qu’à l’époque des faits, Transgène avait cinq produits en développement, dont trois faisaient l’objet d’un partenariat ; que le TG4001, qui était en phase 2 d’études cliniques et dont les résultats étaient attendus pour le 1er semestre 2012, était l’un des projets dont le stade de développement était le plus avancé ; que la phase 3 de développement, très lourde financièrement, ne pouvait être menée par Transgène sans partenaire ; que la perte du partenariat avec Roche était donc susceptible, au moins dans un premier temps, d’avoir un effet sur le cours du titre Transgène, tel que requis par l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
Considérant qu’au plus tard le 16 décembre 2010, l’information relative à la décision de Xxxxx de résilier l’accord de licence concernant le TG4001 conclu avec Transgène était donc « précise » au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
1.2 Sur le caractère non public de l’information
Considérant qu’avant la publication du communiqué de presse de Transgène du 22 février 2011 au soir, annonçant que « Roche met[tait] fin à l’accord de licence portant sur le TG4001/RG3484 pour le traitement des maladies dues au virus du papillome humain », seules quelques personnes au sein de Transgène et de Roche, concernées par le projet de développement du TG4001 et par les négociations relatives à la résiliation du contrat de licence, étaient informées de la décision de cette dernière ; que, dès lors, jusqu’à cette date, l’information relative à la décision de Xxxxx de résilier le contrat de licence conclu avec Transgène et portant sur le TG4001 ne revêtait pas un caractère « public » au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
1.3 Sur l’influence potentielle de cette information sur le cours du titre Transgène
Considérant que le produit TG4001 était l’un des projets les plus avancés de Transgène ; qu’il faisait l’objet d’un des deux partenariats présentés comme « stratégiques » par les communiqués de presse de Transgène ; que la décision de résiliation de Roche se fondait sur le retour sur investissement négatif du partenariat ; que Transgène ne pouvait mener seule le développement de la phase 3 en raison de son coût ; que le mis en cause a lui-même indiqué que la perception de la rupture du contrat de licence était, « dans l’immédiat, négative » ; qu’en outre, l’annonce du partenariat avec Xxxxx en 2007 avait généré une hausse substantielle, de l’ordre de 8%, du cours du titre Transgène ; que, dès lors, un investisseur raisonnable, en possession de l’information relative à la décision de Roche de résilier son accord de licence avec Transgène, aurait pu utiliser cette information comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ; qu’au demeurant, la publication du communiqué du 22 février 2011 a entraîné, le lendemain, une chute du cours du titre de 19% ;
Considérant que l’information était donc susceptible d’avoir, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, une « influence sensible » sur le cours du titre Transgène ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information relative à la décision de Roche de résilier l’accord de licence conclu avec Transgène constituait bien, dès le 16 décembre 2010, une information privilégiée ;
2. Sur la détention de cette information privilégiée par M. A
Considérant que, selon la notification de griefs, si M. A a été officiellement informé de la décision de Xxxxx de mettre fin à son partenariat avec Transgène par le courriel de M. B du 17 février 2011, plusieurs éléments montrent qu’il détenait cette information depuis le 25 janvier 2011, ce qui explique son absence de surprise lorsqu’il a reçu le courriel ; que sont retenus à titre d’indices les contacts entre le mis en cause et M. B au cours du mois de janvier 2011 – notamment la réunion du 25 janvier et des échanges téléphoniques les 31 janvier et 1er février 2011 – et deux coïncidences : la passation par M. C d’un ordre de vente sur ses titres Transgène, le 1er février 2011 à 15h44, à l’issue d’une conversation téléphonique avec X. X, qui venait lui-même de s’entretenir par téléphone avec X. X, et la passation par X. X de son premier ordre de vente sur les mêmes titres, le 8 février 2011, à l’issue d’une conversation téléphonique avec X. A ;
Considérant que le mis en cause soutient que l’information privilégiée ne lui aurait été donnée que le 17 février 2011, comme le démontreraient tant les courriels échangés à cette date entre lui et M. B que ceux du 23 janvier 2011 entre ce dernier et le président-directeur général délégué de Transgène ; que M. B a, pour sa part, confirmé, lors de son audition par les enquêteurs et dans une attestation du 10 mars 2013 versée au dossier, ne pas avoir informé M. A de la rupture du contrat de licence par Xxxxx avant le 17 février 2011 ;
Considérant, toutefois, que ces déclarations concordantes, outre qu’elles ne sont pas confirmées par l’échange des courriels du 17 février 2011, sont démenties par divers autres éléments ;
Considérant que, le 17 février 2011 à 16h35, M. B a transmis à M. A un courriel ainsi libellé : « call 6.30 pm in french and 7pm in english. Je serais en chine et il sera plus tard pour moi. Voili. Voilou. Dispo après 20h. biz » ; qu’y était annexé le courriel que la secrétaire générale de Xxxxxxxx avait adressé aux administrateurs le même jour à 16h26 pour les informer qu’« après une semaine de « suspens » et de tension, nous venons de recevoir la notification officielle de la décision de Roche de mettre fin, dans les conditions dont nous avions parlé il y a quelques jours, lors de notre conférence téléphonique, au contrat de licence sur le produit TG4001 » ; que, à 20h29, M. A lui a répondu : « ben on va essuyer 1 petit grain de +… en vrai breton !!!, en tout cas je vais fixer un
rv avec les équipes à 17:30 lundi, pour dévoiler le problème et préparer la bagarre des jours suivants !!! Haut les cœurs, pas cool mais on en a vu d’autres et ca tournera peut être in fine sur du tout bon pour nous, biz, Oliv », message auquel X. X a répondu à 20h49 : « merci. Si les résultats sont au RV je n’en doute pas » ;
Considérant, tout d’abord, que ces échanges, révélateurs d’une grande proximité entre les deux hommes, montrent, à la fois, que le président-directeur général de Transgène n’a pas estimé nécessaire de commenter la teneur du message de la secrétaire générale qu’il a transféré à son banquier conseil et que ce dernier n’a sollicité, sur les raisons et les conditions de la résiliation évoquée, aucune explication complémentaire, dont il n’a pas eu besoin pour répondre lui-même, plusieurs heures après, par un simple courriel ; que si, comme le soutient le mis en cause, il n’avait jusqu’alors pas eu connaissance de cette rupture avec Xxxxx – ce qui paraît peu vraisemblable, compte tenu des liens professionnels et amicaux unissant le dirigeant de l’entreprise à son banquier conseil – M. B ne lui aurait pas envoyé un message aussi xxxxxxxxx ; que M. A n’aurait pas manqué de manifester une grande surprise à l’annonce d’une nouvelle de cette importance et de prendre immédiatement contact avec son interlocuteur, qui avait annoncé son prochain départ en Chine, pour discuter des mesures les plus urgentes à envisager ; que ce dernier ne se serait pas non plus borné à le remercier, dans un message lapidaire ; que ces trois courriels tendent donc à confirmer, plutôt qu’à infirmer, l’hypothèse d’une détention de l’information privilégiée par le mis en cause avant le 17 février 2011 ;
Considérant, en deuxième lieu, que l’envoi, le 23 janvier 2011, par le président-directeur général délégué de Transgène, d’un courriel à M. B indiquant « Il faut peut-être mettre […] et M. A un peu plus « in the loop » pour préparer une réponse boursière structurée. Your call. A plus » et la réponse de ce dernier, le même jour, selon laquelle « (…) pour Xxxxxxx x’est quand même très touchy je préfère attendre last minute (on peut en parler après le meeting de jeudi) » établit qu’à cette date, M. A, qu’il est suggéré de mettre «un peu plus » dans la boucle, s’y trouvait déjà ; que l’on peut seulement en déduire que, le 23 janvier 2011, il ne détenait pas encore l’information dans sa totalité ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il n’est pas contesté que M. A apportait ses conseils sur la stratégie de communication de Transgène avec les investisseurs ; qu’ainsi, à la suite de l’augmentation de capital de la société réalisée en juin 2010, il avait, dès le 25 août 2010, « briefé » son collaborateur sur les annonces à venir, qui se sont traduites par trois communiqués des 1er et 8 septembre 2010 relatifs aux résultats trimestriels, à l’avis scientifique de l’agence européenne des médicaments et à la signature, durant l’été 2010, d’un accord avec la société J ; qu’il avait préalablement été tenu informé de l’état d’avancement des discussions avec cette société, notamment par les courriels très précis des 10 juin et 23 juillet 2010 de M. B (cotes R500 et R502) ;
Considérant que la proximité des deux hommes est confirmée, non seulement par les termes des courriels ci- dessus examinés, mais aussi par la fréquence de leurs rencontres et échanges téléphoniques ; qu’ainsi, durant la période litigieuse, on relève que :
- le dimanche 23 janvier 2011 au soir, M. A a adressé un SMS à M. B,
- le 24 janvier 2011, ils ont échangé des SMS,
- le 25 janvier 2011 au matin, ils se sont rencontrés dans les locaux de la banque X,
- le dimanche 30 janvier 2011 au soir, M. A a adressé un SMS à M. B,
- le 31 janvier 2011, ils ont échangé des SMS,
- le 1er février 2011 à 15h09, M. A a appelé M. B avec lequel il s’est entretenu près de 14 minutes,
- le 10 février 2011 à 10h13, M. A a cherché à joindre X. X, qui l’a rappelé à 10h57 pendant 8 minutes,
- le 16 février 2011 à 10h25, M. A s’est entretenu brièvement avec X. X ;
Considérant que le dossier ne comporte que le relevé des lignes téléphoniques portables, et non celui des appels effectués sur les lignes fixes professionnelles de MM. B et A, de sorte que les échanges énumérés ci-dessus ne sont pas nécessairement les seuls ;
Considérant, en quatrième lieu, qu’en ce qui concerne les sujets abordés lors de la réunion du 25 janvier 2011,
M. A a indiqué qu’aurait notamment été discuté le rachat de la société J , alors que M. B ne s’est pas souvenu de cette discussion ; qu’ils se sont accordés pour dire qu’ils avaient fait « le point sur la préparation de road show de fin mars liés aux résultats annuels (…) » ; qu’en effet, M. A préparait alors les rendez-vous prévus au cours du mois de mars suivant avec les investisseurs (« road show ») et relatifs à la communication des comptes 2010 de Transgène ; qu’à la date du 25 janvier 2011, le président-directeur général de la société savait qu’il ne pourrait pas, lors de la communication sur ces comptes, ne pas faire état de la rupture du contrat de licence dont le
principe avait déjà été arrêté par Xxxxx ; que la personne en charge des relations de Transgène avec les investisseurs détenait alors cette information, qui avait également été donnée à l’agence de communication de la société ; que deux projets de communiqués de presse, réalisés en interne et annonçant la résiliation du contrat, étaient d’ailleurs prêts depuis la veille ; que dans un tel contexte, alors que des communiqués avaient déjà été préparés, il n’est pas vraisemblable que l’information sur la rupture du partenariat avec Xxxxx ait été transmise par Transgène à son agence de communication, et non à son banquier conseil, habituellement associé très tôt à la stratégie de communication de la société ;
Considérant, enfin, que M. A a inscrit, pour le 27 janvier 2011, « Transgene price » dans son agenda électronique ; qu’à cette date, M. B a adressé au conseil d’administration de la société une note sur l’option offerte jusqu’au 31 janvier 2011 pour fixer les conditions de la résiliation décidée par Xxxxx, celle-ci pouvant se faire soit, comme il le recommandait, dans les termes du contrat, soit dans ceux de l’avenant ; que le lendemain, le conseil d’administration a opté pour la première solution ; que, le 1er février 2011, Xxxxx a été informée de cette décision de refuser l'avenant ;
Considérant que, comme on le verra ci-dessous, c’est précisément le 27 janvier 2011 à 17h13 que M. A a appelé
M. C, qui a commencé à passer des ordres de vente sur le titre Transgène dès le lendemain à 9h31 ; que la même concordance entre les appels de M. A et les interventions, quelques minutes après, de M. C auprès de sa banque pour passer ou modifier ses ordres de vente de titres Transgène a été observée à trois autres reprises, deux fois le 1er février 2011 et une fois le 2 février 2011; qu’il en a été de même avec M. D, dont le premier ordre de vente a été donné le 8 février 2011 à 16h08, à la suite de la conversation téléphonique qui a eu lieu de 15h58 à 16h07 avec X. X ;
Considérant qu’il résulte de ces éléments concordants, pris dans leur ensemble, que l’information privilégiée a été portée à la connaissance de M. A, au plus tard, lors de la réunion qu’il a eue le 25 janvier 2011 avec le président directeur général de Transgène ;
3. Sur la recommandation de cession de titres auprès de M. C
Considérant qu’aux termes de la notification de griefs, le 1er février 2011, à la suite de son entretien téléphonique avec le président-directeur général de Transgène, M. A aurait recommandé à M. C de céder ses titres, ce qui ressortirait, en particulier, des déclarations de ce dernier et de l’ordre de vente d’actions Transgène donné quelques minutes après l’appel du mis en cause ;
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que :
- le 27 janvier 2011 à 17h13, M. A a appelé, pour une durée de 199 secondes, M. C qui a, le 28 janvier 2011 à 9h31, passé auprès de sa banque un premier ordre - non exécuté - de vente ;
- dans l’après-midi du 1er février 2011, jour où X. X a notifié à Xxxxx le refus de l’avenant au contrat proposé pour fixer les modalités de rupture, il a eu un échange téléphonique de 15h09 à 15h22 avec
X. X, qui a appelé à 15h34 M. C ; celui-ci, après s’être entretenu 2 minutes et demie avec son interlocuteur, a pris contact, à 15h44, avec la banque Xxxxxx xx Xxxxxxxxxx pour passer un ordre de vente portant sur 10 000 titres par jour ;
- au début de la soirée du 1er février 2011, à 17h07, M. A a appelé une nouvelle fois, pour une durée de 52 secondes, M. C qui, à 17h51, a rappelé sa banque pour fixer une limite de prix à 15,50 euros pour la vente, le lendemain, du solde de titres Transgène non encore cédés ;
- le 2 février 2011, à 10h29, M. C a demandé à sa banque de descendre sa limite de prix à 15,45 euros ; à 10h55, il a été en contact téléphonique avec M. A pendant 103 secondes et à 11h, il a demandé à sa banque d’enlever la limite de prix qu’il avait fixée pour vendre au mieux « soignant » ;
Considérant que c’est donc à quatre reprises que M. C a eu une conversation téléphonique avec M. A avant de donner ou de modifier un ordre de vente sur ses titres Transgène ; que ces conversations constituent l’essentiel des échanges constatés pendant trois mois entre M. A et M. C; que l’opération « Tekka » qui aurait, selon M. A, justifié ces appels téléphoniques n’a pas été souscrite par X. X, lequel n’y a d’ailleurs fait aucune allusion, que ce soit lors de son audition ou dans sa réponse à la lettre circonstanciée ;
Considérant, en deuxième lieu, que si, dans cette réponse, M. C a invoqué sa volonté de clôturer son compte auprès de la banque X pour justifier la cession de ses titres Transgène en février 2011, lors de son audition par les enquêteurs, il n’a fait état de son souhait « d’arrêter le compte chez eux » que pour expliquer pourquoi il n’avait plus que des actions Transgène sur ce compte ; que cette décision de clôture enlève toute vraisemblance à l’affirmation de M. A selon laquelle les quatre conversations téléphoniques des 27 janvier, 1er et 2 février 2011 avec son client auraient eu pour objet de placer des titres Tekka (cote 162) ; que si, comme il l’a d’abord indiqué,
M. C avait attendu, pour donner ses ordres de vente, la remontée des actions Transgène, acquises en juin 2010 au prix de 16 euros, il aurait cédé ses titres entre le 21 septembre et le 12 octobre 2010, période durant laquelle le cours était repassé au-dessus de ce seuil ; qu’il a précisé que s’il ne l’avait pas fait, c’était « parce que j’ai certainement dû en parler avec X. X qui m’a dit de les garder » ; qu’il a ensuite ajouté qu’il était «tout à fait vraisemblable qu’il ait sollicité l’aval de M. A avant de vendre les titres » et que celui-ci avait dû lui « suggérer de vendre les actions Transgène »; qu’il a enfin conclu en précisant qu’il ne prenait « aucune initiative d’opérations sans consulter M. A » ;
Considérant, en troisième lieu, que M. C, qui détenait 50 000 titres Transgène, a alors cédé l’intégralité de sa position, en réalisant une moins-value par rapport au prix d’achat ; que les conditions de cession des actions, en particulier l’ordre de vente « au mieux » de 10 000 titres par jour le 1er février 2011 et la cession du solde sans limite de prix le 4 février 2011 à 9h55, révèlent un particulier empressement, lequel mérite d’être rapproché de l’envoi, le 2 février 2011 par Transgène à Roche, d’un projet de communiqué de presse dont la publication était envisagée la semaine suivante et, le 3 février 2011, du courriel par lequel le directeur général délégué de Transgène indiquait à Roche son intention de publier ce communiqué avant le 7 février 2011 au soir ;
Considérant que ces indices multiples et concordants auraient pu conduire à se poser la question de la transmission de l’information privilégiée par M. A à M. C ; que la Commission n’est toutefois pas saisie de ce manquement, sur lequel elle ne saurait donc statuer ; qu’il demeure, en toute hypothèse, que, si M. C a décidé de céder l’intégralité de sa position entre le 1er et le 4 février 2011, ce ne peut être que parce que le mis en cause, alors détenteur de l’information privilégiée, lui avait recommandé, avec une force de conviction démontrée par les faits eux-mêmes, de vendre rapidement l’ensemble de ses titres Transgène ; que le grief notifié à M. A est donc caractérisé ;
4. Sur la recommandation de cession de titres auprès de M. D
Considérant que la notification de griefs, selon laquelle X. X aurait également recommandé à M. D de céder ses titres Transgène, se fonde sur les éléments suivants :
- M. D est gérant du fonds […] au sein de […], filiale de […], fonds qui investit de façon importante sur les titres de biotechnologies, et il a des contacts professionnels réguliers avec X. X ;
- le 8 février 2011 à 14h35, ce dernier a cherché à joindre M. D (54s) qui l’a rappelé à 15h58, pour une conversation ayant duré 9 minutes et xxxxx et s’étant terminée vers 16h07 ; M. D, à 16h08, a transmis son premier ordre de vente ; il a vendu 46 525 titres entre le 8 et le 22 février 2011 ;
- si les ventes de titres paraissent s’inscrire dans le cadre d’un allègement de portefeuille en valeurs de santé et biotechnologie commencé en 2010 et poursuivi en 2011, postérieurement aux opérations litigieuses, il paraît « particulièrement suspect » que M. D, qui avait effectué sa dernière vente de titres de cette nature le 1er décembre 2010, ait passé l’ordre de vente du 8 février 2011, immédiatement après avoir eu M. A en ligne ;
- ces ordres de vente, qui ont porté sur 60 000 titres Transgène (sur une ligne de 200 000), exécutés à hauteur de 46 525 pour un prix moyen de 14,95 euros, lui ont permis de réaliser une plus-value de 90 724 euros environ, qui, si les titres avaient été cédés après l’annonce du 22 février 0000 xx xxxxx xx 00 xxxxx, xxxxxx été diminuée de 137 248 euros ; ils sont particulièrement élevés au regard de la liquidité du titre avant l’annonce du 22 février 2011 au soir (23 141 titres par jour en moyenne depuis le 1er septembre 2010) et leur exécution partielle a représenté 19,30% du volume total des échanges entre le 9 et le 22 février 2011 sur Euronext (jusqu’à 50,89% pour la séance du 16 février 2011) ;
Considérant, tout d’abord, que le mis en cause a indiqué qu’il parlait « très fréquemment » avec M. D, celui-ci faisant partie de son « cercle proche de relations professionnelles » et participant « pratiquement à toutes les opérations » qu’il suggérait ; que, s’agissant de la valeur Transgène, M. D a précisé qu’il avait des échanges avec le vendeur actions à la banque X, mais pas avec M. A, avec lequel il discutait de « problèmes d’organisation de métier » ; que le relevé des appels téléphoniques entre son portable et celui du mis en cause fait apparaître
26 appels téléphoniques entre le 1er janvier et le 31 mars 2011 ; que, contrairement à ce qu’il a indiqué, il est arrivé que M. D ait évoqué avec M. A des valeurs acquises sur recommandations de la banque X, ce qui ressort notamment d’une conversation téléphonique du 10 février 2011 entre le premier et le vendeur actions de la banque X (cote D87, bande N°32022251) ;
Considérant, ensuite, que :
- le 8 février 2011 à 14h35, M. A a cherché à joindre M. D, qui l’a rappelé à 15h58 et s’est entretenu avec lui jusqu’à 16h07, soit pendant 9 minutes et demie ; immédiatement après, M. D a transmis son premier ordre à Exane, à laquelle il a demandé de vendre 20 000 titres Transgène à 15,40 euros au minimum ;
- le 10 février 2011, M. D a appelé à 10h22 M. A, avec lequel il s’est entretenu pendant plus de
10 minutes, puis, à 10h44, Exane, pour demander un ajustement du prix de vente des actions à 15 euros au lieu de 15,30 euros ; à 12h12, alors qu’il venait d’être en conversation téléphonique pendant près de 9 minutes à partir de 10h57 avec X. X, M. A a appelé M. D pendant presque 2 minutes ; à 14h23, M. D a demandé à Exane d’ajuster le prix de vente à 14,90 euros pour le solde ; à 20h21, M. A a appelé M. D et lui a parlé 2 minutes ;
- le 11 février 2011, à 11h50, 14h49, 16h08 et 17h23, M. D a fait des points réguliers avec Exane sur ses
ventes d’actions Transgène ;
- le 16 février 2011, à 10h23, M. A a cherché à joindre M. D qui l’a rappelé à 11h13 ; à 15h, M. D a passé un ordre de vente de 16 872 actions au cours minimum de 15 euros ;
- le 17 février 2011, à 19h29, M. D a appelé M. avec lequel il s’est entretenu pendant 3 minutes ;
- le 18 février 2011, à 9h04, M. D a passé un ordre auprès d’Exane pour 12 947 actions dans les cours, sans indication d’un minimum ;
Considérant que la concordance entre les appels de M. A, qui était alors détenteur de l’information privilégiée, et les interventions de M. D, ainsi que le changement de stratégie le 18 février 2011, où aucun minimum n’a plus été fixé alors que, la veille, Transgène avait reçu de Roche la notification officielle de rupture, constituent autant d’indices au soutien du grief ;
Considérant que le nombre des appels entre les deux hommes doit être rapporté aux 26 conversations téléphoniques ayant eu lieu au cours de la période du 1er janvier au 31 mars 2011 ; qu’en ce qui concerne leur objet, M. D et M. A ont indiqué avoir, le 8 février 2011, évoqué le recrutement par ce dernier d’une équipe d’analystes, mais ne pas avoir parlé du titre Transgène ; que M. A a ajouté avoir également évoqué l’opération Tekka, ce dont M. D ne s’est pas souvenu ; que cette affirmation du mis en cause est contredite par le calendrier de l’opération, qui a été clôturée le 7 février à 17h et à laquelle M. D avait indiqué, plusieurs jours auparavant, ne pas vouloir participer ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il convient d’examiner les justifications données par M. D lorsqu’il a passé son premier ordre de vente, intervenu le 8 février 2011, après l’appel téléphonique du mis en cause, et alors que son dernier ordre sur une valeur « santé » remontait au 1er décembre 2010 ; qu’il a en effet indiqué au vendeur d’Exane : « je me dégage un peu parce que je suis un peu chargé là-dessus mais il n’y a pas d’urgence parce que j’en ai encore quelques unes derrière » en précisant « c’est une petite prise de bénéfice (…) même si elle n’a pas fait grand-chose aujourd’hui (…) enfin depuis le début de l’année (…) mais bon elle a quand même bien monté depuis les dix-huit derniers mois, donc je préfère de toute façon m’alléger un peu sur les biotechs en ce moment (…) si tu m’en si tu m’en fais 20 000 c’est bien mais si tu m’en fais que 10 000 c’est pas dramatique non plus » ; que, comme l’ont relevé les enquêteurs, cette analyse ne correspond pas à l’évolution du cours, passé de 18,10 euros à la clôture le 1er juillet 2009 à 22 euros au début de l’année 2010, puis redescendu à 14 euros ; que cette erreur, tant sur l’évolution du titre durant les derniers mois que sur la période, en réalité beaucoup plus limitée, pendant laquelle le cours de l’action Transgène avait monté, est surprenante ; qu’il est peu vraisemblable, en effet, que ce professionnel de la finance ait pu passer un ordre de vente susceptible de dépasser 300 000 euros sans s’être livré à une analyse sérieuse du titre ;
Considérant que M. D a déclaré lors de son audition avoir voulu se « désensibiliser sur les valeurs de biotechnologie », sa cession des titres Transgène s’inscrivant dans la « suite logique » de ce processus et s’expliquant par les conditions du marché et par sa volonté de réduire le poids du secteur santé ; que, dans sa réponse à la lettre circonstanciée, il a précisé qu’il avait décidé de passer l’ordre de vente du 8 février 2011 à l’issue de la réunion du comité de gestion mensuel de […] qui s’était tenu entre 14h30 et 15h45 ; que ni la situation de Transgène ni l’évolution de son titre ne paraissent cependant avoir été évoqués lors de cette réunion
(cote R648) ; qu’il est en outre surprenant que M. D ait passé totalement sous silence la conversation téléphonique qu’il a eue le même jour, de 15H58 à 16h07, avec X. X ;
Considérant que, si les trois premiers indices doivent être retenus, il apparaît, à propos du quatrième, que, comme le soutient M. D, la plus-value de 90 724 euros réalisée et la perte de 137 248 euros évitée lors des cessions litigieuses doivent être relativisées au regard de l’actif global du fonds, de l’ordre de 62 millions d’euros, et que le mode opératoire n’est pas atypique au regard de la liquidité du titre ; que celui-ci n’a, en effet, pas montré d’empressement particulier à vendre ses actions ;
Mais considérant que viennent s’ajouter aux trois premiers indices relevés par la notification de griefs les éléments suivants :
- il ressort de l’écoute des enregistrements téléphoniques sur le poste de M. D (cotes D87 et D88), qui a
prétendu lors de l’enquête « échanger » avec le vendeur actions de la banque X sur Transgène, que cette valeur n’a pas été évoquée avec ce vendeur durant la période de cession ;
- M. D n’a pas vendu ses titres Transgène par l’intermédiaire de la banque X - qui est, selon le mis en
cause, le « meilleur broker sur Transgène (…) susceptible d’offrir le meilleur prix » -, mais par le truchement d’un vendeur d’Exane ne suivant habituellement pas cette valeur, ce qui a surpris M. A ;
- M. D a formulé à chaque fois auprès du vendeur d’Exane les motifs de ses cessions, en particulier le
18 février 2011, où il a indiqué à deux reprises ne pas être inquiet sur la valeur Transgène ;
Considérant que le mis en cause et M. D s’accordent à dire qu’ils n’ont pas évoqué la valeur Transgène lors des cessions le titres ; qu’ainsi, la décision de vente de ce dernier, dont l’exécution n’a pas été confiée à la banque X, n’aurait été fondée, contrairement à ce qui a été soutenu, sur aucun échange avec quiconque et aurait été prise sans analyse sérieuse de l’évolution du titre, ce qui apparaît particulièrement surprenant de la part d’un professionnel de la finance ;
Considérant que ces circonstances particulières, ajoutées aux trois premiers indices de la notification de griefs, concourent à établir l’existence d’une relation de cause à effet entre, d’un côté, les recommandations données par M. A, alors détenteur de l’information privilégiée, de l’autre, les cessions de titres Transgène faites par M. D, lesquelles ne paraissent pas pouvoir s’expliquer autrement ; que ce second aspect du grief sera donc également retenu ;
II - SUR LES SANCTIONS ET LA PUBLICATION
Considérant qu’en l’espèce, la sanction pécuniaire doit être appréciée, non pas au regard du montant des pertes évitées par les personnes ayant reçu la recommandation, lesquelles n’entrent pas dans les prévisions de l'article
L. 621-15 du code monétaire et financier qui se réfère exclusivement aux profits réalisés par le mis en cause, mais en fonction de la gravité du manquement ; qu’en sa qualité de dirigeant d’une banque exerçant en libre établissement en France, M. A mesurait parfaitement l’étendue de ses droits et devoirs ; qu’ayant eu connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, de l’information privilégiée relative à la décision de Roche de résilier le contrat de licence conclu avec la société dont il était le banquier conseil, il était tenu à une obligation absolue d’abstention ; qu’il s’y est soustrait en faisant bénéficier de ses recommandations sur la valeur Transgène deux personnes, qui ont ainsi été amenées, avant que l’information ne soit rendue publique, a céder des titres de cette société ; que le manquement, commis à deux reprises et en toute connaissance de cause, justifie le prononcé, à l’encontre de M. A, d’une sanction pécuniaire de 200 000 euros ; que la publication de la présente décision, sous une forme préservant l’anonymat du mis en cause, ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer à celui-ci un préjudice hors de proportion avec la gravité de ses agissements ; qu’elle sera donc ordonnée ;
PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré sous la présidence de Xxx Xxxxxx Xxxxxxx, par Xxx Xxxxxx Xxxxxxxx et MM. Xxxxxx Xxxxxxx et Xxxxx Xxxxxx, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,
DECIDE DE :
- prononcer une sanction pécuniaire de 200 000 (deux cent mille) euros à l’encontre de
M. A ;
- publier la présente décision, sous une forme préservant l’anonymat de la personne physique mise en cause, sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.
Fait à Paris, le 16 avril 2013,
Le Secrétaire de séance La Présidente
Marc-Xxxxxx Xxxxxxx Xxxxxx Xxxxxxx
Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.