LE PAR TI HOLL YWOODIEN
Dav i d M ar ti n o n
LE PAR TI HOLL YWOODIEN
H
ollywood, ce sont les collines ensoleillées, les hills, qui sur- plombent au sud Sunset Boulevard, Hollywood Boulevard et
Xxxxxxx Xxxxx, les studios de la paramount et de la 20th Century Fox 85
(réduits de moitié après le naufrage financier que fut Cléopâtre), la tour de la Metro-Goldwyn-Mayer (mgm) et, un peu plus loin, le terrain de Sony pictures (ex-Columbia pictures). Leur ligne de crête est la mythique Mulholland Drive, dont Xxxxx Xxxxx mis à l’écran les mystères. Au nord s’étendent Burbank et la « valley » de San Xxxxxxxx, qui accueillent notamment les studios de la Warner Bros, de Universal (à Universal City) et de Xxxx Xxxxxx.
Cette seule définition géographique pourrait au fond se suffire à elle-même : Hollywood, ce sont les sept studios historiques de l’industrie du cinéma et de la télévision américaine, et ceux qui travaillent avec ces studios : producteurs, réalisateurs, scénaristes, acteurs et techniciens.
La création d’Hollywood n’a qu’un siècle : elle est le fait d’entrepre- neurs visionnaires comme Xxxxxx Xxxxx, fondateur de la paramount, ou Xxxx Xxxxxxx, à l’origine d’Universal, qui avaient compris avant les autres qu’il était possible de bâtir une industrie de l’image, non en partant de la technique, mais du contenu.
Définir Hollywood comme un parti politique, c’est admettre qu’il en remplit les missions : imposer des idées, voire une idéologie, gagner et faire gagner les élections, c’est-à-dire essentiellement sélectionner les bons candidats, lever des fonds et faire campagne.
Est-ce le cas? À l’évidence oui: le parti hollywoodien a commencé à remplir les premières de ces fonctions « partisanes » dès la création d’Hollywood. Depuis sa naissance, l’industrie américaine du cinéma impose son imagerie et ses valeurs au reste du pays et au reste du monde. Toute son histoire est d’ailleurs concentrée dans la projection d’un imaginaire plus puissant que tout discours politique. Xxxxx X. Xxxxx
p o U v o i r S – 1 3 3 . 2 0 1 0
avait dit un jour à l’un de ses réalisateurs qui se piquait de faire un film
« engagé » : « if you want to send a message, send a telegramme ! » Et pourtant, chacun sait que, pour convaincre, un bon film peut être plus efficace qu’un long discours, même si ce n’est pas la vocation première d’un film. C’est conscient de cette force qu’Hollywood a développé ses ressources politiques et qu’il a progressivement mis en œuvre des outils et des méthodes d’action politique directe, similaires à ceux d’un parti.
X x x x x é o l o g i e f o r g é e d e m a n i è r e c o n tra d ictoire
Quand Hollywood invente les valeurs conservatrices
86 Naissance et domination de l’imaginaire industriel
L’industrie du contenu naît d’un calcul économique : tous les futurs
« moguls » – grands patrons des studios – commencent dans l’ex- ploitation de salles (les premières sont, dès 1897, des salles ajoutées à des petits casinos, les nickelodeons), avant de passer à la production d’histoires filmées, de plus en plus longues, avec immédiatement un objectif de qualité. C’est le pari d’Xxxxxxx Xxxxx, fondateur de para- mount, qui produit en 1910 l’adaptation américaine d’un film français, Les Amours de la reine Xxxxxxxxx, avec Xxxxx Xxxxxxxxx. C’est également le pari de Xxxx Xxxxxxx, fondateur d’Universal, mais aussi, plus tard, des frères Xxxxxx, de Fox (20th Century Fox) ou de Xxxxx Xxxxx (Metro- Xxxxxxx-Xxxxx).
pour que cette industrie du contenu voie effectivement le jour, les compagnies cinématographiques indépendantes doivent trouver le moyen de fonctionner en dépit du monopole du syndicat formé en décembre 1908 par Xxxxxx Xxxxxx et Eastman Kodak (Motion pictures patent Co – mppc), détenteur des brevets et de la pellicule. C’est pourquoi celles-ci s’installent en Californie, à Hollywood : on peut y tourner toute l’année en extérieur, grâce au climat tempéré, les beaux paysages sont nombreux, variés et proches, la main-d’œuvre et les terrains y sont bon marché, et surtout l’éloignement par rapport à la côte Est leur permet d’échapper aux hommes de loi new-yorkais chargés de faire respecter les exclusivités en brevets de la mppc. En décembre 1913, un représentant de la Famous players Xxxxx, Xxxxx X. XxXxxxx, arrive ainsi de new York à la recherche d’un local-studio pour y tourner un film sur les indiens : ce studio était une étable (en location). Le Mari de l’Indienne (The Squaw Man) tourné là fut le premier long métrage du cinéma muet et
l’ancêtre des westerns. En 1915, Xxxx Xxxxxxx, leader des compagnies indépendantes, fonde Universal City à Xxxxxxxx pass, à quinze kilo- mètres d’Hollywood. Et ce sont toutes les entreprises du cinéma qui s’installent ensuite à Hollywood, ou dans les environs. D. W. Xxxxxxxx réalise la première superproduction en filmant Naissance d’une nation (1915), suivi d’Intolérance (1916).
Le projet des premiers producteurs hollywoodiens est de prendre le pouvoir dans la société américaine, en créant son imaginaire et ses valeurs. C’est l’émouvant paradoxe d’Hollywood, qu’a étudié avec passion et minutie xxxx Xxxxxx dans Le Royaume de leurs rêves 1 : l’industrie du cinéma américain, quintessence de ce qui représente l’Amérique, a été fondée puis dirigée pendant trente ans par des juifs d’Europe centrale, qui représentaient tout sauf la quintessence de l’Amérique. Les studios furent 87 ensuite dirigés par une deuxième génération de juifs, qui se considéraient pour une bonne part comme des marginaux et qui tentèrent de forcer la porte des courants dominants de la société américaine. Xxxxxx Xxxxx et
Xxxx Xxxxxxx sont tous deux des immigrants juifs d’Europe centrale – de la région de Tokay, en Hongrie, pour le premier, et de la Bavière, pour le second –, issus de familles orthodoxes, qui obtinrent l’un et l’autre de partir tenter leur chance en Amérique. Tous deux commencèrent à gagner leurs premiers sous en étant tailleur et fourreur.
Xxxxxxx Xxx était hongrois, lui aussi. Le jeune garçon fut obligé de subvenir seul à ses besoins, en devenant tour à tour marchand ambulant de sodas, de sandwichs ou de charbon: autant d’expériences qu’il saura exploiter au sein de la Fox Film Corporation. Xxxxx X. Xxxxx naquit en Russie, avant d’émigrer avec sa famille au Canada, puis de partir seul à Boston, où il essaya de monter sa propre affaire de ferrailleur et de récupération de tôles. il finit par diriger la plus grande de toutes les majors, la Metro-Goldwyn-Mayer. Xxxxxxxx Xxxxxx quitta sa famille en pologne, devint cordonnier à Baltimore, avant de colporter des articles de mercerie dans l’Ohio, où ses fils Xxxxx, Xxx, Xxxxxx et Xxxx lancèrent l’aventure des Warner Brothers.
Tous fondent leur ascension sociale, au-delà de leur réussite écono- mique, sur une forme de revanche. Si les juifs se voyaient alors interdire l’accès aux cercles fermés de la distinction et du prestige, les films leur offraient une alternative ingénieuse : dans le cadre des studios et à l’écran,
1. xxxx Xxxxxx, An Empire of Their Own, How the Jews Invented Hollywood, new York, Anchor Books, 1989.
ils avaient tout simplement la possibilité de créer un nouveau pays, un empire, leur empire, où non seulement ils étaient admis, mais qu’ils pouvaient gouverner. ils façonnèrent cet empire à l’image de l’Amérique, tout comme ils allaient se modeler eux-mêmes à l’image de l’Américain prospère. ils créèrent ses valeurs et ses mythes, ses traditions et ses archétypes. Et alors que certains clubs privés refusent encore d’accueillir des juifs, ils deviennent les maîtres de l’imaginaire américain et, partant, du fonds « vieil-américain ». par peur de ne pas paraître assez américains, ils glorifient la patrie, la famille et les valeurs fondamentales des États-Unis. S’agissant de leurs choix politiques, ils abandonnent les démocrates, pour lesquels votaient l’immense majorité de leurs coreligionnaires, et jurent fidélité aux républicains, à l’exemple de tous les patriciens. Ainsi, Fox est-il un soutien financier majeur de la campagne Hoover, tout comme
88 Xxxxx X. Xxxxx, à qui le président élu offrit l’ambassade des États-Unis en Turquie en récompense (poste qu’il refusa).
Western, maccarthysme et propagande
Dès l’origine, le western propose une réponse à la question « qu’est-ce qu’être américain ? ». il raconte des histoires où l’errance initiale du héros se transforme, au hasard d’une rencontre, en quête de sens ; il raconte l’établissement de la loi et de l’ordre dans une ville livrée à la barbarie ; le conflit entre grands éleveurs et petits fermiers, métaphore du passage d’une féodalité à une démocratie. Son héros est comme un expert de la conquête de l’Ouest, avec le savoir qu’elle implique, à la fois sur le maniement des armes, la survie dans les contrées sauvages, ou les mœurs indiennes. il est une figure du peuple, spontanément du côté de la justice et du bon droit, prêt à prendre le parti des opprimés, tandis qu’à l’inverse le « méchant » (villain) est l’emblème de la tyrannie et de l’injustice. Le western comporte en général au moins une figure féminine, le plus souvent la fiancée, ou l’épouse, qui représente naturellement l’ins- tallation, l’établissement sur une terre, avec la fondation d’une famille ; elle est (ou a été) d’abord une pionnière, avant de rechercher et d’être elle-même un point d’ancrage. Attachée au territoire et à l’enracinement, elle est presque en cela un emblème de la nation.
Si l’on s’en tient à la définition qu’en donne Xxxxxxxxx, qui entend par
idéologie, « un système (possédant sa logique et sa rigueur propres) de représentations (images, mythes, idées, ou concepts selon les cas) doué d’une existence et d’un rôle historique au sein d’une société donnée», alors, sans nul doute, on peut considérer que ces valeurs forment une idéologie, celle du patriotisme américain, en interaction directe et permanente avec
la politique américaine. Cette idéologie portée par Hollywood exercera une influence déterminante sur le pays, notamment avant l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale, et au moment du vietnam, mais le parti hol- lywoodien subira parfois en retour les injonctions du pouvoir politique, particulièrement lors de la chasse aux sorcières que fut le maccarthysme. plusieurs épisodes ont donc forgé cette idéologie en même temps qu’ils ont marqué la relation de celle-ci avec la vie politique.
L’avant-guerre montra une entrée discrète du parti hollywoodien sur la scène politique américaine. L’engagement antinazi vit Hollywood et Washington être amenés à collaborer très étroitement, mais d’abord très timidement. L’intérêt des studios fut longtemps de conserver le marché allemand comme débouché principal en Europe pour leurs films. Leur indifférence durable à la montée du nazisme s’explique ainsi, de même
que par le souci des organisations juives américaines de ne pas trop 89 mettre en avant le sort des juifs européens dans le débat politique d’une Amérique encore très marquée par l’antisémitisme. En interdisant les films américains en Allemagne et dans les pays occupés, Xxxxxx soustrait
aux studios hollywoodiens une partie de leur marché. Xxxxxxx hommage à Xxxxxxx Xxxxxxx qui, le premier, contre tous, réalisa un film autour d’un scénario prophétique, Le Dictateur, dont la production débuta avant même le début du second conflit mondial. À sa suite, les studios, ceux des frères Xxxxxx tout d’abord, prennent finalement parti contre les nazis : ils produisent des films de propagande, s’appliquent à soutenir le moral des troupes et des familles restées aux États-Unis. Un passage pour Marseille, de Xxxxxxx Xxxxxx, avec Xxxxxxxx Xxxxxx (1944) en est sans doute un des meilleurs exemples, après Casablanca, du même réalisateur, avec le même acteur (1942). Les accords bilatéraux signés à la Libération entre les États-Unis et le vieux Continent permettent au cinéma de s’ouvrir aux marchés européens.
Si Hollywood eut pendant la guerre une influence directe sur l’évo- lution de l’opinion publique américaine, grâce notamment à certains scénaristes, l’après-guerre fut une des plus tristes périodes pour le cinéma américain et le monde des artistes en général : la « chasse aux sorcières » organisée par le sénateur anticommuniste Xxxxxx XxXxxxxx est le pire exemple de l’influence de la politique américaine sur Hollywood. Le 9 février 1950, XxXxxxxx, sénateur républicain du Wisconsin, dénonce, sans preuves, dans son discours de Wheeling (virginie-Occidentale), la mainmise des communistes sur le Département d’État. De concert avec le fbi et la Commission des activités anti-américaines de la Chambre
des représentants, les hommes forts d’Hollywood lancent une croisade anticommuniste au cœur de l’industrie cinématographique.
Au total, près de 300 acteurs, réalisateurs et scénaristes sont inquiétés. S’ils veulent renouer avec leur carrière, les proscrits n’ont d’autre choix que de xxxxxx haut et fort leurs engagements et, en signe d’allégeance, de donner les noms de leurs (anciens) camarades. Xxxx Xxxxx, parmi d’autres, fait le choix de la délation. pour ceux qui refusent, la mise au ban est sans appel : dix d’entre eux vont en prison (les « Dix d’Xxxxx- xxxx », parmi lesquels Xxxxxx Xxxxxx, le futur réalisateur de Xxxxxx s’en va-t-en guerre), et des dizaines s’exilent au Mexique ou en Europe (Xxxxxxx Xxxxxxx, Xxxxxx Xxxxx, Xxxx Xxxxx, Xxxxx Xxxxxx, etc.). Ceux qui restent aux États-Unis ont la vie dure : de nombreux scénaristes continuent de travailler, mais pour des salaires de misère et dans la
90 clandestinité (en recourant à des pseudonymes ou à des prête-noms). Quant aux acteurs et aux réalisateurs, ils doivent bien souvent changer purement et simplement de carrière. Cependant Xxxx Xxxxxxx fut le premier à oser mettre le nom d’un scénariste de la liste noire du mac- carthysme, Xxxxxx Xxxxxx, au générique de Spartacus, film de Xxxxxxx Xxxxxxx, qu’il produit en 1960. Quant à Xxxxxxx Xxxxxxx, il n’aura de cesse de refuser de retourner travailler à Hollywood. il ne revint que pour recevoir un oscar d’honneur.
La guerre du vietnam est l’occasion de la revanche des progressistes d’Hollywood sur le pouvoir fédéral. Face au sentiment d’hostilité gran- dissant de la population vis-à-vis du conflit, Hollywood s’abstient long- temps de filmer une guerre de plus en plus impopulaire, à une exception notable près : Les Bérets verts. Après avoir combattu les peaux-Rouges sur des kilomètres de celluloïd, l’éternel cow-boy Xxxx Xxxxx décide d’affronter les « rouges » tout court. L’acteur, très conservateur, est en effet totalement convaincu de la légitimité de l’intervention en Asie. il écrit donc personnellement, en décembre 1965, au président Xxxxxxx pour lui faire part de son désir de réaliser un film soutenant l’engagement des troupes américaines au vietnam. Le président des États-Unis réagit très favorablement à son courrier et le pentagone fournira une assistance pleine et entière au tournage du film. L’équipe disposera de la base de Fort Xxxxxxx en Géorgie, des dizaines d’hélicoptères seront fournies et, même, une section entière de soldats hawaïens sera spécialement détachée pour « jouer » les vietnamiens. Alors que le coût total de ces « services » s’élève à plus d’un million de dollars, la société de production ne réglera qu’une facture symbolique d’un montant dérisoire : 18 000 dollars. Xxxx Xxxxx a accompli son devoir de citoyen. À l’écran, en revanche, le résultat
se révèle consternant. Western manichéen et douteux, symbole d’une Amérique réactionnaire, le film sera très critiqué. C’est le tournant pour le parti hollywoodien, qui n’hésitera plus à prendre nettement position contre la guerre, ce qui débouchera sur des films à connotation nettement antimilitariste, notamment avec le nouvel Hollywood.
Une remise en question quasi systématique du projet politique américain
Des talents venus d’ailleurs
Hollywood s’est constamment nourri de nouveaux talents étrangers, qui ont fait évoluer son idéologie. Ainsi en a-t-il été, dans les années 1930, avec l’arrivée des « gauchistes de new York » et des juifs allemands.
C’est à cette époque qu’arrivent sur la côte Ouest un grand nombre 91 de scénaristes et d’acteurs, venus de new York pour travailler dans le cinéma désormais sonore. Ceux-ci sont beaucoup plus politisés que les
stars d’Hollywood et, la plupart du temps, ils sont de gauche. Sous leur influence, de nombreux films de l’époque véhiculent une critique plus ou moins voilée des problèmes de l’Amérique ou expriment de façon plus générale une atmosphère oppressante. On pense notamment aux films de gangsters tels que L’Ennemi public de Xxxxxxx Xxxxxxx ou Scarface de Xxxxxx Xxxxx, qui conduiront au film noir dans les années 1940. De même, dans les années 1920 et 1930, c’est à Hollywood que les artistes juifs allemands et autrichiens trouvent refuge. ils nourrissent le cinéma de leur culture et de leur talent : Xxxxx Xxxxxx, Xxxxx Xxxx, Xxxxx Xxxxxxxx, jusqu’à Xxxxxxx Xxxxxx, qui décrit sa vie à Santa Xxxxxx comme son « exil au paradis ».
Le « Nouvel Hollywood »
Le « nouvel Hollywood », selon l’expression popularisée par xxxxx Xxxxxxx 2, impose à la fin des années 1960 une nouvelle idéologie, qui met en avant la marginalité et le scepticisme par rapport à l’autorité. Ces années-là constituent le début d’une période de grande activité politique à Hollywood. Beaucoup de stars se sentent concernées par les combats pour les droits civils des minorités, contre la guerre au vietnam ou contre les armes nucléaires. Le nouvel Hollywood apporte son esprit contestataire. En 1967, deux films ébranlent le pays : Xxxxxx and Xxxxx (Xxxxxx xxxx) et Le Lauréat (Xxxx xxxxxxx). D’autres suivent dans
2. xxxxx Xxxxxxx, Le Nouvel Hollywood, Le Cherche Midi, 2002.
la foulée : Macadam Cowboy (Xxxx Xxxxxxxxxxx), 2001. L’Odyssée de l’espace (Xxxxxxx Xxxxxxx), Xxxxxxxx’x Baby (Xxxxx xxxxxxxx) en 1968, La Horde sauvage (Xxx xxxxxxxxx) et Easy Rider (Xxxxxx Xxxxxx) en 1969 ; M.A.S.H. (Xxxxxx Xxxxxx) en 1970 ; French Connection (Xxxxxxx Xxxxxxxx), La Dernière Séance (xxxxx Xxxxxxxxxxxx) et Xxxx XxXxxx (Xxxxxx Xxxxxx, avec Xxxxxx Xxxxxx) en 1971 ; et enfin Xx Xxxxxxx (Xxxxxxx Xxxx Xxxxxxx) en 1972.
pour la première fois dans l’histoire du cinéma américain, une nouvelle génération de réalisateurs dérobe le pouvoir aux studios, et jouit alors de plus de prestige et de prospérité que jamais. Leurs films expriment bien souvent une sympathie pour les marginaux : les histoires du nouvel Hollywood ne se déroulent pas dans un monde idyllique et hermétique ; les protagonistes ne sont pas des héros ; beaucoup d’entre eux se heurtent
92 aux réalités sans trouver de remèdes, ou échouent en martyrs d’un système qui les a moralement vaincus – ce qui leur est souvent fatal.
Les films montrent également un scepticisme chronique à l’égard de toute forme d’autorité : ses représentants (État, famille, etc.) sont corrompus, psychopathes, comploteurs. Derrière des apparences de bienséance, les hommes de pouvoir conduisent des manœuvres opaques qui menacent des citoyens inoffensifs. En un mot, le nouvel Hollywood reflète l’état d’insécurité et de paranoïa de l’ère du vietnam et du Watergate.
M.A.S.H. en est l’archétype : film dont le thème est la guerre de Corée, il est immédiatement vu, par analogisme, comme une critique féroce de l’engagement américain au vietnam. Xxxxxx au même moment que le Xxxxxx de Xxxxxxxx X. Xxxxxxxxx, son succès populaire est considérable, malgré ou grâce à son antimilitarisme et à son anticléricalisme.
Les films dits « engagés » jalonnent à partir de là l’histoire d’Hollywood, de Mississippi Burning (Xxxx xxxxxx, 1988), qui évoque le racisme dans le Sud profond à l’époque des militants des droits civiques, aux films de Xxxxx Xxx : Do The Right Thing (1989), qui porte à l’écran les tensions raciales aux États-Unis, et surtout Xxxxxxx X (2002). Xxxxxx Xxxx (Xxx xxx Xxxx, 2008), qui valut l’oscar du meilleur acteur à Xxxx xxxx, est sans doute le meilleur exemple récent du rôle qu’Hollywood continue à jouer pour mettre en avant des thèmes politiques progressistes.
L e « par ti » hollywoo d ie f :
com p ositiof et fofctioffemeft
plus qu’un groupe d’intérêt, dans la mesure où il prétend promouvoir un message universel et non pas seulement particulier, Hollywood est structuré comme une coalition de syndicats et de groupes informels. il se comporte comme un parti politique, en ce qu’il sélectionne des can- didats, à l’américaine, c’est-à-dire par l’argent. Le « parti » hollywoodien est naturellement proche du parti démocrate, même si, paradoxalement, les élus qui en sont issus sont républicains.
Une coalition hétérogène
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Les studios et les guilds
Le parti hollywoodien est en réalité constitué par deux catégories d’acteurs: les studios et les guilds. Les grands studios (les majors) sont les acteurs essentiels de l’industrie. ils sont aujourd’hui sensiblement les mêmes qu’à la naissance d’Hollywood : Twentieth Century Fox (news Corps), paramount pictures (viacom), Universal (General Electric / vivendi, et désormais Comcast), Disney (The Xxxx Xxxxxx Company), Columbia Tristar (Sony) et Warner Brothers (Time Warner). Ces sociétés mères figurent parmi les plus grandes et les plus puissantes du monde. Leurs intérêts économiques sont parfois étroitement liés à des secteurs publics et politiques, et sont fréquemment en relation avec le gouvernement en place. Le cinéma hollywoodien est donc, on le comprend, structurel- lement enchevêtré dans la sphère politique américaine 3.
De façon générale, les patrons des studios, en tant que chefs d’en- treprise, doivent aussi s’imposer dans les médias, essayer d’obtenir la législation fiscale la plus favorable, lutter contre le piratage et tenter de négocier les meilleures conditions pour exporter leurs films dans le plus grand nombre de marchés internationaux. Dès 1922, a été fondée à cet effet la Motion picture Association of America (mpaa), dont la mission est de défendre auprès du gouvernement, à Washington, les intérêts de l’industrie cinématographique et principalement ceux des sept grands studios. L’appartenance à cette association est encore aujourd’hui le critère de différenciation entre les majors et les autres studios, comme Lionsgate,
3. Sur ce point, voir Xxxxxx Xxxxxxxxxx, The Power and the Glitter. The Hollywood- Washington Connection, new York, vintage Books, 1992.
par exemple. L’association a toujours été dirigée par des hommes venus de la politique. De 1966 à 2004, ce fut Xxxx xxxxxxx, ancien conseiller spécial du président Xxxxxx Xxxxxxx, devenu l’un des plus puissants lobbyistes de l’industrie américaine, que les Français connaissent pour son combat contre l’exception culturelle. À son départ en 2004 (à l’âge de 82 ans), xxxxxxx est remplacé par Xxx Xxxxxxxx, ministre de l’Agri- culture sous Xxxx Xxxxxxx 4. il a annoncé qu’il passerait la main à la fin de son contrat, en septembre 2010.
Mais, au début des années 1930, le pouvoir absolu des patrons de studios, ces « moguls » qui ont alors sous contrat aussi bien les techniciens que les scénaristes, les réalisateurs et les acteurs, provoque la création de syndicats qui tentent de défendre les différents corps de métiers. Ainsi la Directors Guild of America (dga), créée en 1936, est le syndicat
94 professionnel qui représente les intérêts des réalisateurs de cinéma et de télévision dans l’industrie américaine. Forte de ses 14 000 membres, elle passe avec les sociétés de production audiovisuelle des accords qui stipulent non seulement les conditions de travail et de salaire de ses membres, mais aussi une obligation pour ces sociétés d’embaucher uni- quement des professionnels membres de la dga. De même, les adhérents n’ont généralement pas le droit de travailler pour les sociétés qui n’ont pas conclu d’accord avec le syndicat. La dga protège aussi les « droits d’auteur » des réalisateurs, notamment en assurant une définition de leur rôle, en instaurant la règle « un film, un réalisateur » et en leur certifiant un droit de regard sur le montage de leur film. Ces garanties visent à contrebalancer le pouvoir que les producteurs peuvent exercer parfois sur le réalisateur au cours du processus de production d’un film.
Créée en 1934, la Writers Guild of America (wga), qui compte 193 574 membres, est le syndicat des scénaristes américains. Elle a pour objet de protéger les droits d’auteur des scénaristes et de les représenter lors des négociations contractuelles avec les producteurs. Ce syndicat a montré sa très grande puissance lors des grandes grèves qu’a connues Hollywood en 1960, en 1988 et, récemment, de novembre 2007 à janvier 2008.
De même, la Screen Actors Guild (sag) est un syndicat professionnel qui représente 139 200 acteurs et figurants du monde entier. Selon sa déclaration, la sag doit « négocier et renforcer les accords collectifs qui établissent un niveau équitable de compensation et de bénéfices, et les conditions de travail ». La sag a été fondée en 1933 pour lutter contre
4. Qui a l’habitude de dire que « le seul point commun entre l’agriculture et le cinéma, ce sont les pop corns ! ».
l’exploitation des acteurs à Hollywood, qui étaient forcés de travailler plusieurs années avec les majors américaines, sans restriction sur les heures de travail.
Les métiers techniques du cinéma sont aussi organisés en syndicats : créée en 1937, la Motion picture Editors Guild, qui compte 6 000 membres, négocie des accords collectifs pour protéger les droits des monteurs, et participe à l’amélioration de leurs conditions de travail ainsi qu’au financement d’un régime particulier d’assurance-maladie.
Ce mouvement de création de syndicats ne s’est pas arrêté aux années 1930. Créée en 1996, l’international Cinematographers Guild protège et renforce les droits des directeurs de la photographie, des opérateurs caméra et de leurs assistants, des responsables des effets spéciaux, ainsi que des responsables en informatique. Et le débat a cours aujourd’hui
même, à Hollywood, parmi des compositeurs de musique de film et de 95 séries télévisées, qui constatent que leur absence de représentation syn- xxxxxx joue à leur détriment en termes de rémunération de leur travail.
Un mouvement se dessine pour qu’un syndicat des compositeurs soit créé.
Une ambition politique double
Le message politique du parti d’Hollywood n’est donc pas unitaire : il est à la fois particulier et sectoriel, mais aussi à prétention universaliste.
particulier et sectoriel parce que chaque syndicat défend les intérêts de ses mandants, c’est-à-dire d’abord ceux d’un corps de métier. ils engagent pour cela des négociateurs professionnels (chiefs negotiators) de grand talent, au salaire confortable, qui ne sont en rien des hommes de l’art, et qui bien souvent passent d’un syndicat à l’autre. Mais tous les syndicats se regroupent pour défendre l’intérêt bien compris du cinéma. C’est le cas à l’heure actuelle avec la lutte engagée par Hollywood contre le piratage international qui, en affectant lourdement l’industrie, détruit de nombreux emplois dans l’ensemble des studios.
Mais la prétention universaliste, proche de la ligne des démocrates, sur les sujets de politique nationale ou internationale est tout aussi présente. Dès les années 1970, certaines stars commencent à apporter leur soutien médiatique à des candidats après avoir joué dans des films fortement politisés. D’autres se lancent dans l’activité politique directe. Opposée à la guerre au vietnam, Xxxx Xxxxx commence par chanter avec Xxxxxx Xxxxxxxxxx devant les gi’s dans ce qu’elle appelle le ftA Show (au choix : Free the Army ou Fuck the Army) et n’hésite pas en 1972 à faire le voyage jusqu’à Hanoï pour soutenir les vietcongs contre l’intervention
américaine, ce qui lui vaut de très nombreuses critiques. plus prudent et modeste, Xxxxxx Xxxxxxx s’intéresse très tôt aux problèmes environne- mentaux. L’acteur et réalisateur Xxxxxx Xxxxxx impose, quant à lui, une présence discrète mais déterminante auprès des candidats (démocrates) qu’il choisit de soutenir.
À l’exception notoire de Xxxxx Xxxxxx, de Xxxxxxxxx Xxxxxxxx, du toujours plus religieux Xxx Xxxxxx ou encore de Xxxxx Xxxxxxxx, républicain plutôt modéré, la plupart des vedettes du cinéma penchent aujourd’hui du côté démocrate, et ce pour plusieurs raisons : le souvenir des ravages du maccarthysme dans l’industrie du cinéma, l’exemple de parents et modèles qui ont vécu les années 1970 contestataires, et certainement l’habitude d’une plus grande tolérance vis-à-vis de styles de vie diffé- rents. En conséquence, lorsque le parti hollywoodien se mobilise, c’est
96 en général largement pour les candidats démocrates. C’est ce que l’on a pu observer lors de la dernière campagne présidentielle, dans laquelle se sont engagés très tôt notamment le producteur Xxxx Xxxxxxx, ex-patron de Columbia pictures, pour Xxxx Xxxxxxx puis pour Xxxxxx Xxxxx, l’actrice xxxxxxxx Xxxxxx, épouse de Xxxxxx Xxxxxx (répu- blicain, lui !), qui présida aux destinées de Women for Obama-California. À noter aussi la Creative Coalition, organisation à but non lucratif créée en 1989, forme d’émanation du parti d’Hollywood qui, dès le début, soutint Xxxxxx Xxxxx.
Un « vrai » parti progressiste
Hollywood agit désormais comme un vrai parti politique progressiste. La première campagne présidentielle d’Xxxxxxxxxx, en 1952, inaugure l’utilisation de la télévision, changeant radicalement les relations entre Hollywood et la sphère politique. Les acteurs et cinéastes se trans- forment en conseillers. L’acteur Xxxxxx Xxxxxxxxxx aide Xxxxxxxxxx à préparer ses interventions télévisées. En 1960, lors du duel télévisé entre xxxxx et Xxxxxxx, c’est le réalisateur Xxxxxx xxxx (auteur de Xxxxxx and Xxxxx, le premier succès du nouvel Hollywood) qui conseille à Xxxxxxx d’imposer les gros plans, ce qui désavantage le peu attrayant xxxxx. Rapidement, les démarches se professionnalisent.
Une sélection par l’argent
Tous les candidats passent par Hollywood, pour la présidentielle ou pour le Congrès. Or, les campagnes électorales coûtent de plus en plus cher. Entre 1960 et 1972, le coût d’une campagne présidentielle fait plus que tripler. Les candidats doivent trouver d’énormes sommes d’argent et
dépendent de personnes capables de les collecter pour eux. Des hommes comme Xxx Xxxxxxxxx de l’agence mca (qui possède alors Universal) ou Xxxxxx Xxxx à la tête de United pictures réunissent des sommes farami- neuses pour les candidats de leur choix et deviennent très puissants. Tous deux sont des démocrates modérés, mais, prudents, ils veillent à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Xxxxxxxxx ou républicain, quel que soit l’homme à la Maison-Blanche, on dit alors que mca peut le joindre au téléphone à tout moment. Une réelle proximité s’installe entre ces deux mondes. Tous les grands studios suivront jusqu’à aujourd’hui ces judicieux préceptes. Et l’argent d’Hollywood a un avantage décisif : contrairement aux dons du secteur financier ou de l’industrie pétrolière, ses sources ne sont pas suspectes! La capitale du cinéma devient dès lors une étape essentielle pour quiconque cherche à se faire élire au poste
de président. 97
L’argent d’Hollywood a deux sources : les studios en constituent la première, au nom d’une stratégie de lobbysme assumée, qui découle d’une véritable logique économique. Au-delà même des campagnes présidentielles, chaque grand studio utilise en général les services d’un consultant politique, dont la mission est de choisir les candidats à soutenir. Xxxxx Xxxxxx, par exemple, la nouvelle city controller 5 de la ville de Los Angeles, élue avec le soutien du maire actuel, Xxxxxxx xxxxxxxxxxxx, fut ainsi pendant cinq ans la conseillère politique du studio Dreamworks. En cette qualité, sa mission était notamment d’auditionner les candidats venus chercher un soutien financier à Hollywood.
La seconde source de financement est constituée par les sympathi- sants d’une cause : cette source est plus riche, car les donateurs sont évidemment plus nombreux que les studios, qui ne peuvent contribuer que de manière limitée. Ainsi Xxxxxxx Xxxxxx, patron de The Xxx Xxxxxx Company (la société productrice du Muppet Show, notamment), fut-il le grand ordonnateur des levées de fonds pour Xxxxxx Xxxxx, dont il coprésida le comité financier californien. Celui-ci le remercia en le nommant ambassadeur à paris. La soirée de fundraising (collecte de fonds) organisée pour le sénateur de l’illinois en septembre 2008, sous l’autorité de Xxxxxx Xxxxxxxxx, permit de réunir à elle seule 9 millions de dollars. parmi les présents ce soir-là : Xxxx Xxxxxxx, Xxxxx Xxxxxx, Xxxxxxxx Xx Xxxxxx, Xxxxx Xxx Xxxxxx…
5. La contrôleuse financière de la ville est une personnalité élue, dont la mission est d’exercer un audit permanent de tous les comptes publics de la ville.
Les invités du premier dîner d’État du président révèlent toujours qui furent les soutiens les plus généreux. Ainsi furent invités au dîner offert par le président Xxxxx, fin novembre 2009, à son homologue indien Xxxxxxxx Xxxxx, quelques-uns des plus importants produc- teurs d’Hollywood : Xxxxxx Xxxxxxxxx, qui, pourtant, soutint Xxxxxxx Xxxxxxx lors des primaires démocrates, avant de se rallier au futur vainqueur, mais aussi Xxxxx Xxxxxx, soutien des premiers jours, et Xxxxxxx Xxxxxxxxxx, tous trois associés dans le studio d’animation Dreamworks. Un autre personnage est, de fait, très lié à Xxxxx : Xxx Xxxxxxxx, patron de l’agence Endeavour-Xxxxxxx Xxxxxx, qui inspire le personnage d’Xxx Xxxx, joué par Xxxxxx xxxxx, dans la série Entourage, et qui n’est autre que le frère xx Xxxx Xxxxxxxx, ancien représentant de l’illinois au Congrès fédéral et actuel chef de cabinet
98 de la Maison-Blanche.
Du casting à la campagne électorale
Hollywood produit même des candidats et des élus, mais qui apparaissent comme des exceptions républicaines au regard de sa sensibilité et de son histoire politique. Ainsi, Xxxxxx Xxxxxx eut, comme chacun sait, une carrière d’acteur avant d’entrer en politique. En réalité, sa trajectoire professionnelle changea lorsqu’il fut élu président de la Screen Actors Guild, le syndicat des acteurs. Sa capacité à communiquer et à engager des stratégies de négociation efficaces poussa par la suite les républicains de Californie, alors au plus bas, à le convaincre de se présenter à l’élection pour le poste de gouverneur de l’État. il fut élu en 1966, avant d’être élu puis réélu président des États-Unis en 1980 et 1984.
Bien que pur produit d’Hollywood, jusqu’à en diriger un des syn- dicats les plus puissants, c’est dans la capitale du cinéma que Xxxxxx Xxxxxx sera considéré avec le plus d’hostilité tout au long de ses deux mandats. La majorité de ses anciens collègues ne voient en lui qu’un acteur moyen qui utilise sa technique à des fins électorales. il est vrai que dans sa campagne de 1980 (America is back) l’ancien acteur Xxxxxx Xxxxxx joue sur l’image mythique du cow-boy et affirme sa volonté de
« reviriliser l’Amérique ». Ainsi, le héros reaganien, fils naturel de Xxxx Xxxxx, se veut l’incarnation du « rêve américain ».
De plus, son association avec les fondamentalistes religieux horripile Hollywood, qui passe depuis toujours aux yeux de ces derniers pour pire que Sodome et Gomorrhe. À l’exception de Xxxxxxxx Xxxxxx (pré- sident d’honneur d’un des plus puissants lobbies américains, la national Riffles Association, l’association des détenteurs d’armes), la plupart
des professionnels du cinéma s’opposent à sa politique de réarmement nucléaire. paradoxalement, lors de sa campagne de réélection en 1984, le parti d’Hollywood se mobilise contre lui, sans résultat.
Xxxxx Xxxxxxxx, ancien maire républicain de Carmel, constitue une deuxième exception. Au-delà de sa brève carrière d’élu et malgré son profil modéré actuel, il est frappant de constater que l’inspecteur Xxxxxxxx est un parfait héros reaganien, même si la série des Dirty Xxxxx com- mence dix ans avant l’accession au pouvoir de Xxxxxx. L’homme au Magnum 44 s’impose en clone du vigilante issu tout droit du western (comme Xxxxx Xxxxxxxx lui-même), censé légitimer historiquement le droit à l’autodéfense.
Autre forme de héros xxxxxxxxx, archétype masculin des années 1980 et 1990 avec Xxxxxxxxx Xxxxxxxx, Xxxxxx Xxxxxxxxxxxxxx se fait élire
en 2003 gouverneur de Californie à la faveur d’une crise financière de 99
l’État et réélire en 2006. Là encore, le parti d’Hollywood joue de façon contradictoire. En 2003, Xxxxxxx Xxxxxxxxxxxxxx garde, en apparence du moins, ses distances avec les célébrités d’Hollywood, jugées nocives pour la crédibilité qu’il doit obtenir pour être élu. C’est l’époque où le milliardaire Xxxx Xxxxx, qui fit sa fortune dans les dessins animés, l’un des plus généreux donateurs du parti démocrate, dépense 200 000 dollars pour soutenir le candidat opposé au futur gouverneur.
Quelques années plus tard, Xxxxxx Xxxxxxxxxxxxxx recentre son image en faisant fi des positions du parti républicain, défend les droits des homosexuels, part en croisade contre le réchauffement climatique
– le procureur général de Californie engage des poursuites contre xxx xxx plus grands constructeurs automobiles du marché américain afin qu’ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre –, se déclare en faveur du droit à l’avortement et de la recherche sur les cellules souches, défiant ainsi Xxxxxx X. Xxxx à chaque occasion. Dès lors, Xxxxxxxxxxxxxx reçoit le soutien du parti d’Hollywood, personnifié par de prestigieux réalisateurs, producteurs et acteurs, tels que Xxxxxx Xxxxxxxxx, Xxxxx Xxxxxx, Xxxxx Xxxxxxx, Xxxxxxx Xxxxxxxxxx, Xxxxx Xxxxxxxxxxx, Xxxxx Xxxxxx, Xxxxxx Xxxxxxx, Xxxxxx Xxxxxxx, etc. Selon le porte-parole de Dreamworks,
« Xxxxxx et Xxxxxxx [Xxxxxxxxxx] sont les amis d’Xxxxxx, mais ils sont surtout sensibles à l’approche non partisane du gouverneur ».
La série The West Wing, créée en 1999, avait comme héros un président démocrate idéalisé (il avait un prix nobel d’économie !). Les scénaristes étaient d’anciens conseillers politiques du président Xxxxxxx. C’est dire si le parti d’Hollywood est aujourd’hui plus que jamais proche des
démocrates. À côté de libéraux bien connus comme Xxxxxx Xxxxxx, Xxxxxx Xxxxxxxxx, Xxxxxx Xxxxxxxxxx, Xxxxxx Xxxxx ou Xxxxxxx Xxxxxxxx, une nouvelle génération occupe aujourd’hui à Hollywood le devant de la scène politique. Le souvenir du maccarthysme y est pour beaucoup. Les plaies sont loin d’être refermées et les mémoires hollywoodiennes, à travers films et commémorations, n’en finissent pas de revisiter cet entêtant passé. Ainsi l’engagement contestataire de Xxxx xxxx, concrétisé par son déplacement à Bagdad en décembre 2002, avant le déclenchement de la guerre en irak, puis à Cuba, récemment, s’explique-t-il aussi sans doute par le fait que son père, l’acteur et réalisateur Xxx xxxx, fut une victime du maccarthysme. Depuis, les républicains tiennent une position difficile à Hollywood.
Aujourd’hui, Xxxxx Xxxxxxxx et son mari Xxx Xxxxxxx sont de toutes
100 les campagnes démocrates. Xxx Xxxxxxx et la jeune actrice Xxxxxxx Xxxxxx font des lectures d’auteurs américains xxxxxxxx lors de la convention nationale démocrate de Denver (août 2008). Xxxxxx Xxxxxx milite pour l’environnement, comme Xxxxxx Xxxxxxx avant elle. Xxxxxx Xxxxxxx quant à lui semble vouloir reprendre le flambeau de Xxxxxx Xxxxxx, notamment en fondant avec le réalisateur Xxxxxx Xxxxxxxxxx (vice- président de la Directors Guild of America) une société de production qui s’intéresse à des thèmes politiques. Xxxxxxxxxx a ainsi tourné Xxxx Xxxxxxxxxx (avec Xxxxx Xxxxxxx, sur la pollution par l’industrie), Traffic (quatre oscars, dont celui du meilleur film, sur le thème de la drogue) et la série K Street (sur le lobbysme). Quant à Xxxxxx Xxxxxxx, son engagement apparaît clairement dans ses choix de films, comme In the air, de Xxxxx Xxxxxxx (2009), Xxxxxxx Xxxxxxx, de Xxxx Xxxxxx (2007), et surtout Good Night and Good Luck (2005), film sur le mac- carthysme qu’il a lui-même réalisé. Comme Xxxxx Xxx, dont le film Inside Man (2006) évoque en filigrane le racisme dans le new York de l’après-11 Septembre.
Le soutien d’Hollywood au président américain est aujourd’hui unanime. Mais il sera confronté à au moins trois défis : la poursuite de la guerre en Afghanistan, les promesses faites pendant la campagne aux homosexuels et la position du gouvernement américain face au chan- gement climatique.
R É S U M É
Parce que c’est son objet de créer de l’imaginaire, et parce que le projet per- sonnel de ses fondateurs était de prendre le pouvoir dans la société américaine, le parti hollywoodien a créé l’idéologie des États-Unis, forgeant ses valeurs : le western est à cet égard un véritable ADN de l’Amérique. Cette idéologie, celle du patriotisme américain, exercera une influence directe et permanente sur la vie politique, avant l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale et au moment du Vietnam, mais subira aussi les injonctions du pouvoir politique, avec la « chasse aux sorcières » que fut le maccarthysme. Pour autant, le parti hollywoodien, nourri de talents aux influences diverses, remet régulièrement en question le projet politique américain. Plus qu’un groupe d’intérêt, dans la mesure où il prétend promouvoir un message universel, le parti hollywoodien est structuré comme une coalition de syndicats et de groupes informels. Il se comporte comme un parti, proche du parti démocrate, en ce qu’il sélectionne des candidats, à l’américaine, c’est-à-dire par l’argent, et produit même des élus, évidemment hors normes.
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