AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant : Vu leur connexité, joint les pourvois V 05-41.990 et X 04-45.806 ; Attendu que M. X..., engagé le 4 août 1970 par la société compagnie
Y Maroc (la société), a été nommé par avenant du 24 juillet 1997 aux fonctions de chef d’escale à l’aéroport de Marseille pour une durée maximum de quatre années ; qu’il a été licencié pour faute grave
par lettre du 18 juillet 2002 expédiée à une adresse au Maroc pour son absence irrégulière depuis le 1er juillet, date à laquelle il devait rejoindre son lieu d’affectation à Casablanca ; qu’il a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues qui s’est déclaré incompétent pour statuer
sur ses demandes ; que, statuant sur contredit par arrêt du 17 mai 0000, xx xxxx x’xxxxx x’Xxx-xx-Xxxxxxxx a retenu la compétence du conseil de prud’hommes de Martigues et a décidé d’évoquer le fond ; que par un second arrêt du 28 février 2005, la cour d’appel a dit que la loi française et la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien étaient applicables, que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, et a condamné la compagnie
Y Maroc à lui payer les indemnités de rupture et une indemnité pour inobservation de la procédure ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis du pourvoi principal de la société Y Maroc à l’encontre de l’arrêt du 17 mai 2004 :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le conseil de prud’hommes était compétent pour apprécier la légitimité des demandes de M. X..., dit qu’il y avait lieu à évocation et renvoyé les parties à une date ultérieure alors, selon le premier moyen :
1 / qu’à défaut d’accord des parties sur la compétence des juridictions françaises, il appartient au juge de préciser la règle de compétence internationale sur le fondement de laquelle il reconnaît les juridictions françaises compétentes ; qu’en se bornant à écarter la clause attribuant compétence aux juridictions marocaines, sans préciser la règle communautaire ou interne de compétence internationale sur laquelle elle se fondait, pour reconnaître la compétence des juridictions françaises, bien que cette compétence ait été contestée par la compagnie Y Maroc, la cour d’appel a violé l’article 12 du nouveau code de procédure civile ;
2 / qu’en application des règles communautaires de compétence internationale, le salarié ne peut attraire l’employeur domicilié hors du territoire communautaire devant les juridictions d’un Etat membre qu’à la condition qu’il y possède une succursale, une agence ou de tout autre établissement secondaire et pour les contestations relatives à leur exploitation ; qu’en retenant la compétence des juridictions
françaises sans avoir au préalable recherché si le litige opposant M. X... à son employeur, la compagnie Y Maroc, concernait l’exploitation d’un établissement de ce dernier dans un Etat membre, bien que l’employeur ait expressément soutenu que l’exécution du contrat, intervenue pendant un temps en France, devait se poursuivre au Maroc, la cour d’appel
a privé sa décision de base légale au regard des articles 18 et 19 du règlement de Bruxelles n° 44/2001 ;
3 / qu’en application des règles internes de compétence internationale subsidiairement applicables, le salarié ne peut attraire l’employeur devant les juridictions françaises qu’à la condition que le litige porte sur l’exécution du contrat de travail dans un établissement en France ; qu’en retenant la compétence des juridictions françaises, sans avoir recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si l’exécution du contrat, intervenue pendant un temps en France, ne devait pas se poursuivre au Maroc, le salarié embauché dans ce pays ayant été temporairement détaché en France, ce
qui établissait que le litige n’était pas relatif à un contrat de travail devant s’exécuter en France, le domicile du salarié dans ce pays n’étant par ailleurs pas caractérisé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des règles françaises de compétence internationale définies par extension des règles de l’article R. 517-1, alinéa 1er, du code du travail ;
4 / qu’en application des règles internes de compétence internationale subsidiairement applicables, le salarié ne peut attraire l’employeur devant les juridictions françaises que si le travail est effectué en dehors de tout établissement et que le salarié est domicilié en France ;
qu’en retenant la compétence des juridictions françaises, sans avoir recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si l’exécution du contrat, intervenue pendant un temps en France, ne devait pas se poursuivre au Maroc dans un établissement de la compagnie, le salarié embauché dans ce pays ayant été temporairement détaché en France, ce qui établissait que le litige n’était pas relatif à un contrat de travail devant s’exécuter en France en dehors de tout établissement, le domicile du salarié dans ce pays n’étant par ailleurs pas caractérisé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des règles françaises de compétence internationale définies par extension des règles de l’article R. 517-1, alinéa 2, du code du travail ;
5 / qu’en application des règles internes de compétence internationale subsidiairement applicables, le salarié ne peut attraire l’employeur devant les juridictions françaises que si le contrat de travail a été conclu en France ; qu’en retenant la compétence des juridictions françaises, sans avoir recherché si le contrat de travail de M. Y... avait été conclu en France, bien que toute les parties aient fait valoir que ce contrat avait
été conclu au Maroc, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des règles françaises de compétence internationale définies par extension des règles de l’article R. 517-1, alinéa 3, du code du travail ;
6 / que seul le demandeur domicilié en France peut attraire le défendeur, domicilié hors du territoire communautaire, sur le fondement du privilège de juridiction consacré par l’article 14 du code civil ; qu’en retenant la compétence des juridictions françaises pour connaître du litige opposant
M. X... à la compagnie Y Maroc, sans avoir préalablement établi que
M. X... était domicilié en France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 4, point 2 du règlement de Bruxelles n° 44/2001, ensemble l’article 14 du code civil ;
Et selon le second moyen, que la cassation à intervenir de l’arrêt du 27 mai 2004 ayant déclaré le conseil de prud’hommes de Martigues compétent pour connaître du litige et dit n’y avoir lieu à évocation
entraînera, par voie de conséquence, et en application de l’article 625 du nouveau code de procédure civile, celle de la décision statuant sur le fond du litige ;
Mais attendu que la cour d’appel qui, après avoir constaté que M. X... exécutait son contrat de travail depuis cinq ans en qualité de chef d’escale à l’aéroport de Marseille a retenu la compétence du conseil de prud’hommes de Martigues, n’a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Et attendu que le rejet du premier moyen rend sans objet le deuxième moyen tendant à la cassation par voie de conséquence de l’arrêt du 28 février 2005 ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal à l’encontre de l’arrêt du 28 février 2005 :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt d’avoir dit que la loi française et la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien étaient applicables au contrat la liant à M. X..., dit que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et de l’avoir condamnée à lui payer diverses sommes alors, selon le moyen :
1 / qu’en l’absence de tout élément d’extranéité, le contrat de travail conclu au Maroc entre M. X... et la compagnie Y Maroc, salarié et employeur de nationalité marocaine, et exécuté au Maroc pendant les
27 premières années de son exécution, était soumis à la loi marocaine ; qu’en l’absence de manifestation de volonté des parties, l’affectation temporaire du salarié en France pendant une durée maximum de 5 ans, conforme au règlement intérieur du personnel expatrié auquel les parties l’avaient expressément soumise, n’avait pas eu pour effet de faire de la France le lieu d’exécution habituel de ce contrat, ni, en conséquence, de le soumettre à la loi française ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1134 du code civil et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;
2 / qu’en statuant de la sorte, tout en retenant expressément que « le salarié avait parfaitement connaissance du caractère temporaire de son affectation », la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les textes ;
Mais attendu que la cour d’appel qui a retenu que, ni la lettre d’engagement du 4 août 1970, ni l’avenant du 24 juillet 1997, ne contenaient une disposition relative à la loi applicable au contrat, a pu décider que la loi française et la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien devaient être
appliquées au salarié qui exécutait son contrat de travail habituellement comme chef d’escale à l’aéroport de Marseille ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X... pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel relève que la procédure de licenciement est irrégulière pour ne pas avoir été précédée d’une convocation à un entretien préalable, mais que cette irrégularité ne peut avoir pour conséquence de rendre par ce seul fait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et retient que c’est à bon droit que
l’employeur soutient que le salarié ne pouvait prétendre au maintien de son affectation à Marseille, eu égard à la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail, et qu’en conséquence le grief relatif à l’absence injustifiée reprochée est établie ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par ses conclusions, si la lettre de licenciement n’avait pas été adressée
sciemment au Maroc à une adresse à laquelle M. X... ne résidait pas, alors qu’il faisait valoir qu’il habitait encore en France et que cette adresse était fausse, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il soit besoin de statuer sur le autres branches du pourvoi incident :
Rejette les pourvois contre l’arrêt du 17 mai 2004 ;
XXXXX ET ANNULE l’arrêt du 28 février 2005, sauf en ce qu’il a décidé que la loi française était applicable à la rupture du contrat de travail ayant lié les parties, et a condamné la société à payer à M. X... les indemnités de xxxxxxx et de licenciement, et une indemnité pour inobservation de la procédure ;
Renvoie la cause et les parties xxxxxx xx xxxx x’xxxxx x’Xxx-xx-Xxxxxxxx, autrement composée pour qu’il soit statué sur les points restant en litige ;
Condamne la société Y Maroc aux dépens.