CONVENTIONS DE DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC
CONVENTIONS DE DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC
PROBLEME
Pour la gestion de leurs services publics locaux, notamment ceux qui ont un caractère industriel et commercial (eau, assainissement, ...), obligatoires ou facultatifs, les communes peuvent recourir à des entreprises à qui elles confient l'exploitation de ces services sous la forme de conventions de délégation de service public. Selon la nature du contrat, l'étendue des responsabilités ainsi confiées aux entreprises sera plus ou moins grande.
A noter que la directive européenne 2014/23/UE sur les concessions sera transposée par voie d’ordonnance (art. 57 du projet de loi Macron pour la croissance et l’activité) et devrait être effective, au plus tard, au mois d’avril 2016 car tout retard exposerait la France à des sanctions. De plus, « les contraintes qu’elle ajoute, peu nombreuses, telles que la hiérarchisation des critères, sont déjà en pratique largement appliquées par nombre d’autorités concédantes » (Réponse du Premier Ministre du 4 mars 2015 à l’Association des Maires de France). Outre cette hiérarchisation, la directive concession prévoit quelques obligations nouvelles en matière de publicité et de mise en concurrence, mais ne parait pas remettre en cause la législation nationale issue de la loi Sapin du 29 janvier 1993.
TEXTES
- Articles L.1411-1 à L.1411-19 du code général des collectivités territoriales ;
- Articles R.1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ;
A- DEFINITION
Selon la loi, la délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire
Mai 2015
public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service (article L.1411-1 du CGCT). La délégation de service public doit donc être distinguée de la régie directe dans laquelle la commune assure directement par ses propres moyens humains, financiers et matériels, la gestion du service (art. L.1412-1 et suivants du code général des collectivités territoriales). Afin de les distinguer des contrats de marchés publics avec lesquels les conventions de délégations de service public peuvent être confondues, la loi a repris le critère jurisprudentiel de la rémunération du délégataire substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation (C.E., 15 avril 1996, Préfet des Bouches du Rhône ; 30 juin 1999, SMITOM Centre Ouest Seine et Marnais). Ainsi, lorsque pour l'exécution du service public de l'eau potable, l'entreprise concessionnaire ou fermière tire sa rémunération de la redevance qu'elle perçoit directement auprès des usagers, elle est titulaire d'une convention de délégation de service public. En revanche, l'entreprise qui assure le transport des enfants de l'école et qui est rémunérée par un prix versé par la commune est titulaire d'un marché public.
Désormais, la collectivité délégante peut autoriser son délégataire, de manière expresse, à conclure des baux ou droits d’une durée excédant celle de la convention de délégation de service public. Ces baux ou droits, qui constituent des accessoires de la convention de délégation, seront transférés à la collectivité à la fin de la délégation de service public.
Les modalités d'attribution et de mise en œuvre de délégations de service public sont définies aux articles L.1411-2 et suivants du code général des collectivités territoriales.
B- LES PRINCIPAUX CONTRATS
Depuis la suppression de la tutelle technique sur les communes, les principaux contrats de délégation de service public trouvent leur source dans la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a notamment défini la concession, l'affermage, la régie intéressée et la gérance. Cette liste n'est toutefois pas exhaustive et des formules contractuelles originales peuvent être élaborées dans certains cas.
1. La concession
Selon une définition désormais classique, c'est le contrat qui charge un particulier ou une société d'exécuter un ouvrage public ou d'assurer un service public à ses frais, avec ou sans subvention, avec ou sans garantie d'intérêts, et que l'on rémunère en lui confiant l'exploitation de l'ouvrage public ou l'exécution du service public avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers de l'ouvrage ou sur ceux qui bénéficient du service public (concl. Chardenet, C.E., 30 mars 1916, Gaz de Bordeaux).
Trois critères permettent de caractériser la concession de service public :
- le fait qu'au début de l'exploitation, le concessionnaire fait l'avance des frais de premier établissement du service (construction du réseau et de tous les ouvrages nécessaires au fonctionnement du service) et du fonds de roulement nécessaire à l'exploitation ;
- le fait que pendant toute la durée de la concession, le concessionnaire exploite le service "à ses risques et périls", qu'il en assume la direction, qu'il choisit, rémunère et surveille lui- même le personnel du service, qu'il entretient et renouvelle lui-même, à ses frais, les installations, et qu'il achète tout l'outillage et le matériel nécessaires à l'exploitation ;
- le fait qu'en échange de ces services, le concessionnaire est rémunéré par la perception directe de redevances sur les usagers, lesquelles doivent normalement lui permettre de couvrir les intérêts et l'amortissement du capital qu'il a engagé et de dégager un bénéfice net dont il garde tout le profit pour lui-même.
(Exemple : modèle de contrat pour la concession d'un parc de stationnement - circulaire ministérielle (Intérieur) n°82-111 du 15 juillet 1982)
L’ordonnance n°2009-864 du 15 juillet 2009 a ajouté un nouvel outil contractuel à disposition des collectivités : la concession de travaux publics. Le contrat de concession de travaux publics a pour objet de faire réaliser par un concessionnaire tous travaux de bâtiments ou de génie civil. Le concessionnaire tire sa rémunération, soit du droit d’exploiter l’ouvrage, soit de ce droit assorti d’un prix.
Codifiée aux articles L. 1415-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales, la concession de travaux se distingue de la délégation de service public en ce qu’elle permet à une collectivité de confier à un tiers la réalisation de travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à ses besoins, sans que ces immeubles soient ensuite, à titre principal, le support d’un service public.
2. L'affermage
L'affermage n'est en définitive qu'une variante de la concession dans laquelle les frais de premier établissement ont été exposés par la commune. Le fermier reçoit donc les ouvrages déjà réalisés et n'a à assurer que la gestion du service et faire l'avance du seul fonds de roulement (C.E., 29 avril 1987, commune d'Elancourt).
La collectivité concédante ne participe pas plus aux résultats financiers de l'exploitation que dans le cas de la concession proprement dite, mais peut éventuellement encaisser une redevance fixée par le contrat.
Le fermier ne peut, en principe, exécuter pour le compte de la commune des travaux autres que ceux d'entretien courant.
Bien entendu, comme dans la concession stricto sensu, le fermier assure l'exploitation "à ses risques et périls" et est rémunéré au moyen de redevances prélevées directement sur les usagers.
Enfin, la collectivité concédante, pour payer les intérêts et rembourser les annuités des emprunts qu'elle a dû contracter pour construire les ouvrages, demande à son fermier d'encaisser pour son compte, une "surtaxe" sur les usagers du service.
(Exemples : Décret du 17 mars 1980 portant approbation d'un cahier des charges type pour l'exploitation par affermage d'un service de distribution publique d'eau potable ; Décret du 16
octobre 1981 portant approbation d'un cahier des charges type pour l'exploitation par affermage d'un service d'assainissement)
3. La régie intéressée
C'est une formule se situant à mi-chemin entre la régie directe et la concession. Dans la régie intéressée, la commune finance elle-même l'établissement du service dont elle confie l'exploitation et l'entretien à une personne privée ou publique qui assume la gestion pour le compte de la collectivité moyennant une rémunération qui n'est pas assurée par les usagers mais au moyen d'une prime fixée en pourcentage du chiffre d'affaires, complétée d'une prime de productivité et éventuellement par une part des bénéfices. Tous ces éléments de la rémunération de l'exploitant sont versés par la commune elle-même à son régisseur intéressé.
Le Conseil d'Etat a considéré que le contrat de régie intéressée par lequel le cocontractant était rémunéré à 70 % par la collectivité publique constituait une délégation de service public, les 30 % d'intéressement constituant une rémunération suffisamment substantielle (CE, 30 juin 1999, SMITOM précité) au regard du critère défini dans la jurisprudence Préfet des Bouches-du-Rhône.
(Exemple : formule applicable à la gestion d'un commerce à la suite de sa reprise par la commune, ou à l’exploitation d'un camping municipal)
4. La gérance
Fondé sur les mêmes bases que le contrat de régie intéressée, le contrat de gérance s'en distingue dans la mesure où la collectivité décide seule de la fixation des tarifs. La collectivité conserve les bénéfices ou, en cas de déficit, rembourse celui-ci au gérant qui perçoit une rémunération forfaitaire (prime fixe annuelle majorée d'une prime proportionnelle aux produits livrés).
Dans ce système, le gérant ne prend aucun risque puisque sa rémunération est toujours entièrement portée en dépense au compte d'exploitation. C'est cette notion de risque qui fait la différence entre la gérance et l'affermage.
Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a ainsi décidé qu'un contrat de gérance, par lequel le gérant est rémunéré proportionnellement au service rendu, doit s'analyser comme un marché public et non comme une délégation de service public, cette rémunération constituant un prix versé par la commune (CE, 7 avril 1999, Commune de Guilherand-Granges). Dans ces conditions, la gérance n'est pas considérée comme un contrat de gestion déléguée.
(Exemple : modèle de contrat pour la gérance d'un parc de stationnement - circulaire ministérielle (Intérieur) du 15 juillet 1982 publiée au JO du 11 septembre 1982, et mêmes hypothèses que pour la régie intéressée).
NOTA
Il convient de noter le risque de qualification de marché public qui peut être appliquée aux contrats de régie intéressée et de gérance au regard de la jurisprudence récente du Conseil d'Etat précitée. La sanction de cette erreur est l’annulation de la procédure et du contrat auquel elle a donné lieu. Elle peut aussi être pénale si elle a été motivée par l’intention de favoriser un candidat (C. Pénal, art. 432-14).
Si des cahiers des charges types ne peuvent plus être imposés aux communes, un recueil de modèles de cahier des charges et de règlement de service a été publié par la Documentation française concernant notamment les ordures ménagères, les pompes funèbres, l'assainissement, et la distribution d'eau potable.