Contrats des Communes
Contrats des Communes
Mairie - Domaine public communal Contrat de location - Bail d’habitation
Commune de moins de 100 habitants
novembre 1998
Les travaux d’aménagement qu’une commune envisage d’entreprendre dans les locaux de la mairie peuvent-ils être imposés au locataire d’un logement situé à l’intérieur de celle-ci ? En l’espèce, le conseil municipal a décidé de proposer à un locataire le renouvellement de son bail sous réserve qu’il accepte des travaux d’aménagement ayant notamment pour conséquence d’amputer une partie de la surface dont ce locataire dispose en vertu de son contrat de location. Le locataire n’a pas expressément accepté cette proposition mais en a simplement accusé réception en demandant copie du “ nouveau bail ” issu, selon lui, de la tacite reconduc- tion dont il estime bénéficier.
Le problème ainsi soumis doit être analysé, d’une part par rapport aux termes mêmes de la décision du conseil municipal, d’autre part par référence à une possible qualification des lieux loués comme relevant d’un régime de domanialité publique.
O Application de la délibération
Dans le cadre de la législation sur les baux d’habitation, il est difficile de trouver des arguments permettant de penser qu’un propriétaire peut imposer à son locataire des travaux ayant pour effet de priver ce dernier d’une partie, même très réduite, de la surface qu’il loue.
Ainsi, si l’article 7 e) de la loi du n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prévoit que le locataire “est obligé de laisser exécuter dans les lieux loués les travaux d’améliora- tion des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, ainsi que les travaux nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués”, il ne semble pas que ces dispositions puissent être invoquées. Les travaux envisagés en l’espèce touchent en effet à la substance même de la surface dont le particulier est locataire ; ils n’affectent vraisemblablement ni une partie “commune” ni une partie privative appartenant au propriétaire et non louée.
Quant à l’article 4 de la même loi, il précise que toute clause qui “autorise le bailleur
à diminuer ou à supprimer, sans contrepartie équivalente, des prestations stipulées au contrat” est réputée non écrite, donc inapplicable.
Ceci étant posé, il faut insister sur le fait que, lorsque le conseil municipal a décidé, par sa délibération, de renouveler le bail dont le particulier était bénéficiaire, il a conditionné l’existence même de ce renouvellement à l’acceptation, par le locataire, de travaux d’ “aménagement d’un couloir permettant de relier le secrétariat de la mairie à la salle commune”.
Dès lors, si le locataire empêchait la réalisation desdits travaux ou s’il répondait positivement à la question de savoir s’il compte s’y opposer, le bail ne devrait pouvoir être considéré ni comme reconduit, ni même comme reconductible. Le locataire perdrait alors tout titre justifiant son maintien dans les lieux ou, pour le moins, il ne pourrait se prévaloir d’un bail lui assurant un tel maintien pendant une durée de six années. La conséquence néces- saire de cette non protection serait la possibilité, pour la commune bailleresse, de mettre fin au rapport contractuel à tout moment dès lors que le locataire en serait prévenu dans un délai raisonnable et que le paiement du loyer qu’il aura effectué n’excède pas la durée effective de location. Toutefois, user de cet argument pour parvenir à l’éviction du locataire nécessiterait d’avoir en l’espèce une réponse claire de sa part en ce qui concerne l’intervention ou non des travaux d’aménagement, sujet que, précisément, il semble vouloir éviter.
Quoiqu’il en soit, et vu notamment les délais qui ont couru depuis que sont intervenus les courriers notifiant la proposition au locataire, il conviendrait de vérifier auprès de spécialistes compétents en matière de baux dans quelle mesure il n’y a pas eu tacite reconduction du contrat original alors même que cette reconduction aurait été conditionnée comme il a été indiqué plus haut.
En effet, si l’on se place sur le terrain des baux d’habitation régis par la loi du 6 juillet 1989, ses dispositions prévoient expressément et précisément les conditions dans les- quelles un bailleur peut donner congé à son locataire et les conséquences, en termes de tacite reconduction, induites par le non respect de ces formalités légales.
A ce sujet, il convient de rappeler les termes mêmes de l’article 15 de cette loi selon lesquels “lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux”. De plus, l’article 10 de la loi prévoit qu’ “à défaut de congé donné dans les conditions de forme et de délai prévues à l’article 15, le contrat de location parvenu à son terme est reconduit tacitement pour une durée égale à celle du contrat initial”. Il apparaît donc clairement que se placer sur le terrain des baux d’habitation régis par la loi du 6 juillet 1989 peut comporter en l’espèce le risque d’une reconnaissance, par le juge civil compétent, de la reconduction tacite du contrat dans la mesure où les conditions pour donner congé au locataire n’auraient pas été respectées.
De ce point de vue, un tel risque disparaît lorsque l’on se situe sur le terrain de la domanialité publique, la législation précitée relative aux baux d’habitation étant inapplicable
concernant l’occupation des biens relevant du domaine public.
0 Utilisation de l’argument tiré de la domanialité publique de l’immeuble objet de la location
D’une manière générale, lorsqu’un bâtiment ou un terrain fait partie du domaine public d’une collectivité, les contrats relatifs à son occupation échappent aux règles du droit privé. Aux termes d’une jurisprudence constante, ces biens “ne sont notamment pas soumis aux règles du droit civil et commercial concernant les baux et la propriété commerciale” (cf. Le Secrétaire de Mairie, Fasc. 112-20 “Biens Communaux”, nos 8 et suivants).
Dès lors, le contrat d’occupation relatif à un logement faisant partie du domaine public communal ne peut que revêtir la forme d’un contrat administratif dont la principale caractéris- tique est d’être précaire et révocable. Toutefois, il convient de s’assurer qu’un logement, même compris dans une mairie, peut effectivement être considéré comme relevant du domaine public et par conséquent des règles indiquées ci-avant.
Concernant cette question de savoir si un tel logement appartient ou non au domaine public, il y a lieu de se référer aux éléments suivants :
€ d’une part, la mairie elle-même, dès lors qu’elle est spécialement aménagée pour recevoir et permettre le bon fonctionnement des services municipaux, est identifiée comme faisant partie du domaine public communal ;
€ d’autre part, le logement situé dans l’enceinte d’une mairie est généralement considéré comme faisant partie du domaine public communal par le biais d’une incorporation. Toutefois, il faut que ce local “accessoire” soit, ou bien physique- ment ou matériellement indissociable de la dépendance domaniale, ou bien lié à elle par un rapport fonctionnel ; ainsi, “pour que la théorie de l’accessoire puisse être appliquée, il faut que ces locaux soient totalement imbriqués dans le bâtiment de l’hôtel de ville et qu’ils ne puissent pas en être matériellement séparés” (cf. “Les biens du Domaine Public communal affectés aux services publics”, étude de X. XXXXXXX, in Le Répertoire des Collectivités Locales, éd. Dalloz).
En l’espèce, si l’on considère le logement indissociable du bâtiment de la mairie, lui-même spécialement aménagé pour le bon fonctionnement des services municipaux - ce qui, sous réserve de l’interprétation souveraine du juge administratif, semble être le cas - le locataire (ou “occupant”) ne peut plus se prévaloir de la loi du 6 juillet 1989 étudiée plus haut. S’agissant de la commune, il y a lieu de la considérer comme étant en droit de conditionner le renouvellement d’un contrat d’occupation à la réalisation de travaux dans les locaux loués, même ceux ayant pour effet de limiter la surface louée - dans la mesure où une
telle limitation serait prise en compte pour la fixation de la redevance d’occupation.
Le contrat d’occupation étant révocable, elle peut en outre y mettre fin dès lors qu’il s’agit de protéger l’intérêt public et après avoir respecté un délai raisonnable pour permettre à l’occupant de prendre les mesures résultant de son éviction.
Toutefois, user de cet argument implique également un risque, mais d’une toute autre nature que celui évoqué précédemment.
En effet, la logique de la domanialité publique telle qu’elle vient d’être appréhendée suppose que le particulier en cause ne fasse pas obstacle à l’éviction dont il pourrait être finalement l’objet.
Ainsi, il pourrait refuser de quitter le logement, auquel cas la commune devrait mettre en œuvre une procédure juridictionnelle pour aboutir au départ de l’occupant devenu “sans titre”. Une telle procédure peut s’avérer longue dans la mesure où, avant même de demander au juge administratif - notamment par la voie du référé - l’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public, il convient de faire reconnaître la domanialité publique des lieux considé- rés.
De plus, une action contentieuse de la commune visant à faire reconnaître par le juge administratif l’inapplicabilité des clauses d’un bail de droit commun du fait de la domanialité publique du bien concerné pourrait engager la responsabilité de celle-ci.
En effet, son “erreur” pourrait être analysée comme un comportement fautif.
Ainsi, en matière de baux commerciaux, le juge administratif a déjà retenu la respon- sabilité pour faute d’une commune qui s’est “méprise, d’une manière durable, sur la situation juridique des locaux […] et a, de la même manière, laissé espérer au [locataire] que celui-ci occupait lesdits locaux dans les conditions prévues par la législation sur les baux commerciaux et qu’il avait droit soit au renouvellement de son bail, soit à une indemnité d’éviction” (cf. Conseil d’Etat, “Sieur Xxxxx”, 00 xxxxxxx 0000, xx 00 342).
En conclusion, si la commune dispose d’un certain nombre d’arguments pour tenter d’évincer son locataire au cas où il montrerait une forte réticence à l’accomplissement des travaux permettant un meilleur fonctionnement des services municipaux, il apparaît néan- moins que ces arguments devraient, au moins dans un premier temps, servir de base à une négociation claire avec ce locataire.
Au cas où la commune choisirait la voie de la négociation, il conviendrait par ailleurs d’indiquer à ce dernier que, contrairement à la demande de communication du nouveau bail qu’il a formulée, il n’existe pas de “nouveau bail” à proprement parler mais - s’il accepte les travaux et la réduction de surface qui s’ensuivra - le document dont il est normalement déjà en possession est celui qui régit ses rapports avec son bailleur jusqu’à l’arrivée du terme légalement convenu.
Ce n’est qu’en cas de refus persistant de sa part qu’une procédure juridictionnelle devrait être engagée, procédure qui, si elle semble avoir de bonnes chances d’aboutir en faveur de la commune, notamment par application de l’argument tiré de la domanialité publique du logement, pourrait s’avérer fort longue et compromettre le programme des travaux d’aménagement prévus.
• Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, articles 4, 7, 10 et 15
• Conseil d’Etat, “Sieur Kergo”, 23 janvier 1976, n° 97 342